Avec un titre aussi accrocheur, il était difficile de ne pas ouvrir quelques pages de ce roman de Paul Beatty et au final de passer à la caisse. L'histoire ? Un afro-américain veut faire revivre un quartier de Los Angeles plus connu pour ses gangs et ses trafics que pour sa douceur de vivre. Mais comment faire ? Lui vient alors l'idée complètement barrée de récréer la ségrégation pour faire ressortir le meilleur de la Black attitude... Il fallait oser !


D'abord le décor : rural et agricole, au milieu de l'urbanisme démesuré de la ville des anges. Et ce n'est pas une totale invention, l'auteur s'est inspiré de Richland Farms, un véritable quartier agricole au coeur de Compton, où il n'est pas rare de croiser des habitants sur leurs chevaux ! Beatty s'en inspire pour créer Dickens, ce lieu improbable où son héros surnommé Bonbon, a grandi puis a repris le flambeau d'un père à l'éducation (très) stricte en termes d'identité noire. Il s'occupe de sa ferme, tente de faire pousser des Satsumas (une mandarine japonaise), et aussi de reconquérir son amour d'enfance qui l'a quitté pour un rappeur. Il est difficile de résumer un tel bouquin tant les idées et anecdotes foisonnent. Disons que tout part d'un bon sentiment, faire en sorte que les gamins de l'école trouvent leur place dans cette société discriminée sans devenir des clichés sur pattes... Ca commence par des petits panneaux sur les sièges dans le bus de sa dulcinée (réservé au blancs), ça se poursuit par de l'esclavagisme volontaire décidé par l'esclave himself et ça se finit par la menace de l'implantation d'une école pour blancs en face de l'école historique du quartier. C'est un joyeux mélange de philosophie et d'humour cynique... Et tout le monde en prend pour son grade.


Mais surtout, "Moi contre les Etats-Unis d'Amérique" est un livre qui tente de faire comprendre au lecteur (et à une communauté), que malgré les différentes tensons qui ont traversé l'histoire afro-américaine, que ce soit l'émancipation, la lutte pour les droits civiques, le regard bienveillant mais toujours biaisé de la communauté blanche, les Noirs n'ont jamais été regardés pour ce qu'ils sont réellement, et qu'ils se sont de fait, toujours construits sur une opposition ou une fuite, rendant l'intégration quasi impossible. Vu ainsi, l'idée folle de Bonbon ne l'est plus tant que cela. Comme si pour passer de voir et entendre à regarder et écouter, il fallait en passer par le vivre "à côté de" et non "ensemble". C'est ainsi que Bonbon va se retrouver face au Grand Jury.


Après un prologue un peu long, les péripéties d'un homme immobile jusque-là, refusant de s'engager par opposition au père, vont devenir un régal de lecture pour qui cherche du sens à une société violente et toujours sur le point de rompre. Un roman fondamental !

Kerven
9
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le 8 nov. 2017

Critique lue 340 fois

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Kerven

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BenMgt
5

200 pages max. aurait suffit.

Encore un de ces bouquins qui bradent à mort pour aligner les lignes et les pages...et le pognon. on se croirait devant une disert' quand tu n'as pas grand chose à dire et que tu en rajoutes à...

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