trop beau pour être vrai !
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le 1 déc. 2024
Qu'on ne se méprenne pas sur le titre de cet article : si je parle d’œuvre périphérique c'est moins pour condamner cet essai à une place secondaire -ou pire anecdotique- du corpus marxiste que pour lui attribuer une place essentielle. En effet les lecteurs de Karl Marx savent à quel point son œuvre est délicate à appréhender. D'abord parce qu'elle englobe, et de façon pointue, de multiples domaines, économie, sociologie, politique, philosophie et parce qu'elle renvoie au XIX ème siècle, période historique complexe et riche en évolutions (et révolutions) humaines. Ainsi l'essai du docteur en philosophie japonais Kohei Saito permettra à nous autres, modestes lecteurs, de mieux tracer les contours de la pensée du philosophe allemand. Mais son essai fait bien plus : très loin de vouloir réactualiser un Marx qui serait devenu poussiéreux et le mettre aux goûts et préoccupations du jour, à savoir la crise climatique, Saito nous démontre au contraire comment les analyses tardives de Marx sur le capitalisme de son siècle restent adaptées pour une compréhension du monde contemporain. Le philosophe allemand abandonna peu à peu une vision progressive et eurocentriste du sens de l'histoire pour se tourner vers les pays du Sud où les contradictions du capitalisme faisaient déjà le plus cruellement surface. Finalement, il envisagea un objectif économique novateur : celui de la décroissance. À l'instar de l'auteur du Capital Saito compose son propre manifeste pour un communisme de la décroissance.
Face à l'urgence climatique, Kohei Saito adapte sa plume à la situation. Loin de s'encombrer d'un jargon universitaire ou de phrases alambiquées, l'auteur se veut direct, incisif et ne ménage pas son lecteur. Les premiers chapitres dessinent donc une réalité critique et font état d'une impasse, celle d'un monde qui tente en vain de concilier une croissance infinie avec la décarbonisation de sa production.
Mais Saito n'abandonne pas ses lecteurs au désespoir et une issue s'impose à ses yeux, celle du communisme décroissant qu'il veut garant des libertés individuelles et de l'autonomie des travailleurs dans la production. Pour sauver notre environnement, il entend en effet remettre l'Humanité au centre de l'économie en modifiant la nature du travail, en démocratisant les moyens de productions et en abolissant le capitalisme.
Sa conception politique se veut totalisante : préserver le métabolisme planétaire bien sûr mais pas à n'importe quel prix ! Saito alerte ainsi sur les dérives possibles des idéologies écologiques, fascisme ou maoïsme climatiques, qui sont des scénarii peu souhaitables en réponse à la crise du climat. Ses idées se trouvent donc aux antipodes de celle du soviétisme ou des doctrines survivalistes apocalyptiques, Saito souhaite démocratie, décroissance et abondance communiste.
Au fil de la lecture, on comprend que les termes très prisés par nos jeunes générations -
Comportements Eco Responsable, Bien-être au travail ou même Sens Métaphysique de la Vie trouvent déjà leurs sources dans les réflexions de Karl Marx. On est soulagé de trouver tout un lexique qui nomme le malaise d'une société absurde où la quête de la croissance nous est imposée comme le seul horizon possible et dans laquelle pourtant la valeur d'usage des productions humaines est dévaluée et méprisée. Si Kohei Saito n'est assurément pas le premier penseur à parler de décroissance on peut saluer le courage de son livre : à l'heure du néolibéralisme, de l'injonction à la productivité, de l'abandon du service publique et des « élections Trumpistes », il faut un certain toupet pour réinjecter dans le débat des termes devenus quasi inaudibles : communisme, réductions des heures de travail, diminutions de la division du travail, annihilation de la valeur marchande. Remarquable et jouissif passage que celui où Saito s'autorise à écrire que le marketing, la publicité et le packaging devraient être tout simplement interdits puisque polluants et inutiles.
Ce 22 novembre 2024 la COP 29 à Bakou présentera ses conclusions et décisions concernant l'enjeu climatique. Les débats semblent se cristalliser autour de la question des fonds nécessaires au développement du Sud mais pour savoir qui et combien paiera afin que ces pays, dans un cadre capitaliste, connaissent un « développement » en émettant le moins possible de gaz à effet de serre. Le Nord semble disposé à dépenser des milliards de dollars comme pansement pour conserver la croissance et réparer les dégâts matériels ou humains du réchauffement global mais pas à questionner nos modes de productions pourtant à l’origine du dérèglement climatique. La croissance, encore et toujours, quelles que soient les contraintes, comme une course folle...
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Créée
le 27 janv. 2025
Critique lue 3 fois
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