"Il n'est rien au monde que je vomisse autant que le pessimisme, qui représente à la fois, pour l'honneur de ma pensée, toutes les impuissances inimaginables : impuissance de l'esprit, de la volonté, du cœur, des reins, de l'estomac. Si j'avais l'honneur de commander en temps de guerre, je ferais fusiller les pessimistes, comme on fait fusiller les espions et les déserteurs. Je n'estime le courage sans mesure et je n'accepterai jamais d'être vaincu, - moi !"
Une citation se trouvant dans les premières pages du Journal titanesque de Bloy. Première claque aussi. Immédiatement, on sent là qu'on lit une voix. On sent poindre une expérience. Celle de lire les pages d'un auteur aux convictions profondes, complexes, péremptoires, iconoclastes.
Ce qui frappe, surtout, c'est ce "- moi !" final. Bloy nous exclurait-il tout de suite de la Grandeur dont il est inspiré ? Oui, bien sûr. Nous ne sommes ni son semblable, ni son frère. Tout ce malaise : serais-je un lâche, peut-être ?
La majuscule à Grandeur ne vous aura peut-être pas échappé. La seule inspiration véritable de Bloy étant sa Foi. Je vois déjà quelques yeux exorbités d’effarement ! Ah mais les plus voltairiens, les plus jaurèssiens d'entre vous ne sauraient rester de marbre face au grand enfant qu'était Bloy.
Bloy a le tempérament d'un enfant. Le petit cynique du fond répondra "ah mais les enfants ça m'emmerde ! Je change de wagon quand j'en vois arriver dans le train !". Mais je parle là de pureté, dans l'excès et l'intransigeance bien sûr, mais dans la tendresse aussi... Et l'enthousiasme naturellement ! Un enthousiasme auquel Dieu semble le porter si loin, notre pèlerin de l'absolu.
Je vois maintenant un gars du deuxième rang me dire "oh mais en ce temps ! Elles étaient pleines les Églises ! Des communiants dans toutes les familles !" - Non !
Bloy s'attaque à ces grenouilles de bénitiers dominicales qui ne sont Chrétiens en rien. Pensez donc ! Ils ont de l'argent. "Le Sang des Pauvres", recueil de nouvelles du même auteur est assez explicite de la manière dont Bloy voyait l'argent. Et on se surprend à se demander s'il n'était pas plus moderne que nous, l'auteur qui regrette le Moyen-Âge !
Le rapport de Bloy à l'argent mériterait une thèse à lui seul... Peut-être que l'auditeur du premier rang s'y attellera !
Je relis ma critique et j'ai l'impression de n'avoir rien dit. Il m'est impossible, pardonnez-moi cette faiblesse, de retranscrire l'exaltation à la lecture de ce Journal qui n'est autre que celle que Bloy a infusé à sa propre vie.
Je prends la peine de préciser qu'il ne s'agit pas là d'un Journal Intime. La mort de son enfant ne prend que quelques lignes sur cet énorme volume. Nous sommes dans tout autre chose. Exaltation, le mot est là !