Mon traître est tout simplement une oeuvre en miroir de Retour à Killybegs, ou l'inverse. Plutôt l'inverse d'ailleurs car la seconde publication date de 2011. Plus biographique, elle revient sur la vie et l'engagement de Tyrone Meehan - le fameux traître - au sein de l'IRA pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. Comme Chalandon sait très bien le faire, l'oeuvre permet une véritable plongée dans l'univers très irlandais de la guerre fratricide en Irlande du Nord, confinant au roman-reportage. Ici, si les personnages reviennent, le narrateur étant le luthier français, personnage secondaire dans le récit de 2011, le contexte n'est pas aussi développé et le récit historique laisse largement la place à la réflexion sur des sentiments comme la loyauté, la solidarité et l'amitié.
J'ai donc lu les deux oeuvres dans le désordre, si du moins il peut y avoir un ordre établi. Si cela me permit de facilement retrouver mes repères, elle a rendu ma deuxième lecture plus ennuyeuse. J'apprécie toujours l'obsession du détail de Sorj Chalandon qui colore son récit et qui facilite l'immersion totale dans l'univers choisi et toujours riche. Je suis moins amateur de son style assez lourd, tout en répétitions et énumérations multipliées au fil des pages, qui rend le récit coupable de quelques longueurs, notamment sur la fin. L'attachement viscéral de ce français à la cause irlandaise (Je commence à comprendre que l'attachement passionnel/obsessionnel voire maladif est un thème récurrent chez l'auteur !) est subtilement présenté et nourrit une réflexion intéressante mais le nationalisme et son folklore, quel qu'en soit la cause et l'origine, est - pour moi du moins - une religiosité ridicule et trop peu crédible pour m'inspirer réellement dans ma lecture.
Mon traître n'est pas pas une lecture désagréable, elle peut même être une belle expérience pour le lecteur plus ouvert que moi, mais je sais que le temps a fait écrire à Sorj Chalandon des oeuvres bien plus maitrisées et bien plus puissantes.