Mort dans l’après-midi est un livre assez particulier, publié alors qu’aucun livre n’avait été encore écrit sur la tauromachie en espagnol ou en anglais (aux dires de l’auteur), il tente de raconter ce qu’est l’art tauromachique sur le mode du manuel explicatif, tout en menant quelques digressions sur la mort, le courage, etc.


L’écriture de Hemingway se retrouve ici dépouillée, afin de se rapprocher au plus près de la réalité, mais force est de constater que ça n’est pas très passionnant. Certaines pages sont haletantes comme l’ultime combat du torero Muera, on y reconnaît bien l’obsession charnelle de Hemingway pour la lutte de l’homme contre des forces qui le dépassent comme dans Le vieil homme et la mer, lutte ou plutôt danse ici, une valse avec la Mort qui menace à chaque instant et qui exalte la bravoure du torero. Après une centaine de pages, l’auteur introduit des dialogues avec une dame touriste. Ils apportent de la fraîcheur quand il faut à un récit qui s’enfonce beaucoup dans l’exégèse de la corrida. Quand Hemingway sent qu’il perd son lecteur à force de détails techniques, il aborde d’autres sujets lyriques comme l’art ou les maladies vénériennes ou une anecdote de voyage… Il l’admet d’ailleurs chapitre XV en comparant son livre à un mode d’emploi tandis que son interlocutrice, la vieille touriste, lui avoue s’ennuyer un peu de toutes ces dissertations tauromachiques…


Étrangement je suis tout de même parvenu jusqu’au bout, entraîné par la passion de l’auteur sans doute, et qui me rappelle d’autres livres comme Moby Dick qui se livre à des dissertations similaires mais sur la baleine cette fois. Seulement, là où Melville romance son sujet avec une langue sublime, Hemingway prend le parti de la distance et de la connaissance froide.
Dans son dernier chapitre, Hemingway déploie une grande et dense énumération sur tout ce qu’il aurait pu aborder d’autres dans le livre. Cette envolée assez jolie a davantage de qualités littéraires, comme si Hemingway avait envie de clore son manuel sur de la vraie Littérature, ce qui rend ces dernières pages assez pathétiques en vérité. Comme une espèce d’ultime sursaut désespéré d’un auteur à l’agonie qui crie à son lecteur « mais si ! Ce livre est bien ! Regarde le dernier chapitre est bien écrit…! ». On ne me la fait pas à moi, Hemingway, on ne rattrape pas un livre avec son dernier chapitre… ni en inventant un cocktail à son nom.


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Vladimir-Thoret
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le 9 oct. 2020

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