De plus en plus fan de l'oeuvre pour laquelle il est connu, j'ai tenté le deuxième roman de Nick Cave.
Son premier livre, "Et l'âne vit l'ange", n'est plus disponible (et super dur à trouver à un prix abordable), et ses descriptions évoquent un style à base de longues phrases, un livre réussi mais à la limite de l'ampoulé.

Nous sommes ici dans son exact opposé.

Deux enseignements majeurs à l'issue de la lecture de ce livre.
Nick Cave EST un putain d'auteur de roman, et qu'il ait fait de la musique, mais aussi de la fabuleuse musique de film ou des scénarios n'y change rien !
S'il n'était qu'auteur, Nick Cave mériterait amplement sa place parmi ses confrères plus renommés.
Deux ou trois idées par page, deux ou trois fois fois l'occasion de se dire "merde, quelle façon géniale de décrire le moment", deux ou trois fois par page, comprendre un peu mieux ce qui déconne chez nous, bipèdes compliqués, déchirés, tentant sans cesse de s'accrocher maladroitement à des lambeaux de vie disparates et parfois sordides.
Et c'est là le deuxième enseignement: Nick Cave parvient à nous décrire une histoire atroce avec moults détails scabreux sans que jamais ne viennent à nous les sentiments auquel on pourrait, on devrait, s'attendre.
Cet homme, ce père, dont 95% des pensées ne se concentrent que vers une activité sexuelle sans aucune morale ni esthétique, laissant à l'abandon une femme qui ne le supportera pas et un fils dont on se demande tout le long du récit s'il deviendra handicapé à vie à cause de la négligence de son père, et bien ce même père ne parvient pas à nous indigner, à nous révolter. Parce qu'on est si bien dans sa tête, si parfaitement dans sa logique interne de presque débile mental qui part à la dérive, parce que Nick Cave nous le fait si bien sentir, que oui, c'en est de l'art.
Et du grand.

En plus, c'est souvent super drôle.
On n'entendra plus Avril Lavigne, Kylie Minogue ou même Céline Dion de la même manière...

Cave rules, fucking hell !

Deux extraits pour donner une idée du style.

p26: "Bunny se polarise sur son uniforme vichy lilas jusqu'à ce qu'un défaut dans les pixels du motif hachuré provoque un dérèglement temporel. En une sorte de secousse il commence à réaliser que cet instant est décisif pour cette jeune femme, et qu'un choix se présente à elle. C'est un choix qui pourrait marquer à jamais la vie de cette serveuse; elle peut continuer de s'éloigner, et la journée se poursuivra dans toute sa banalité programmée, ou alors elle peut se retourner, et sa douce et jeune vie s'ouvrira comme, euh, comme une espèce de vagin."

p113: "Il se demande, dans un frisson, si la sensation de déconnection éprouvée en niquant River est désormais un état permanent et envisage l'idée que sa carrière de queutard de classe mondiale est peut-être à jamais derrière lui. Le suicide de Libby lui a peut-être porté la poisse. Une sorte de malédiction. C'est très possible. Les histoires abondent de gens qui se retrouvent dans les choux à la suite d'évènements apparemment anodins et ans rapports entre eux. Caniche a tout récemment raconté à Bunny l'histoire d'un amateur de cramouille de Portslade passé du statut d'étalon à celui d'étalé après avoir assisté à un concert de Céline Dion. Impossible de rechaper le braqueson. Autant essayer d'enfoncer un canari crevé dans la fente d'un distributeur automatique, avait-il confié à Caniche. Il avait fini par remiser son engin et devenu jardinier paysagiste à Walberswick. Ça refroidit, des trucs comme ça."
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le 4 févr. 2011

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