"Mort sur le Nil" fait partie des romans les plus vendus d'Agatha Christie, et c'est logique, dans le sens où la Reine du Crime y propose une intrigue très dense, nourrie par de nombreux personnages qui illustrent sa vision de la bonne société anglaise dans l'entre-deux-guerres, que la romancière n'épargne pas, mettant en évidence ses multiples faiblesses et contradictions.
Pourtant, d'un point de vue strictement scénaristique, "Mort sur le Nil" est presque le roman le plus prévisible de l'œuvre christienne, en tout cas pour un amateur éclairé.
Ainsi, la séquence du "meurtre manqué" de Jackie sur la personne de Simon apparaît d'emblée factice, et les conséquences immédiates sont donc sujettes à caution.
De même, on identifie très vite l'agitateur recherché par le colonel Race, grâce au télégramme ouvert par erreur. Quant à l'identité du notaire britannique présent sur le bateau pour contrecarrer les plans de Pendleton, Christie ne se donne même pas la peine de la camoufler...
Pour autant, "Mort sur le Nil" réserve quantité de surprises au lecteur, et nombre de vacanciers dissimulent petits et grands secrets au cours de la croisière : autant de symptômes de la déliquescence d'une certaine aristocratie observée avec acuité par Agatha Christie...
Malgré certains défauts qui l'empêche de détrôner les chefs d'œuvre que sont "Dix petits nègres", "Le crime de l'Orient-Express" ou "Le meurtre de Roger Ackroyd", "Mort sur le Nil" arrive juste derrière dans l'ordre des livres majeurs de Christie.