Yves Gibeau, c'est l'auteur du roman assez connu "Allons z'enfants". Un des cinq meilleurs romans parmi les milliers que j'ai pu lire dans ma vie (cf la critique que j'ai rédigée sur SC).
C'est peu dire que j'ai une certaine tendresse face à cet auteur dont j'ai tout lu sauf un roman introuvable, "le grand Monôme".
En fait, il a écrit la plupart de ses romans entre 1945 et 1961.
Il y eut 27 ans de silence jusqu'à "Mourir Idiot" qu'il a écrit en 1988.
Il a alors 72 ans et il ne lui reste plus que 6 ans à vivre.
C'est donc un livre où il fait une sorte de bilan de sa vie qu'il a écrit comme un roman bien qu'il soit à la première personne et sent furieusement l'autobiographie. Même si ce n'est pas stricto sensu une autobiographie, il a dû sérieusement puiser dans ses souvenirs.
A commencer par sa "retraite" où il retourne dans l'Aisne où il a vécu, un certain temps, enfant à proximité des champs de bataille du Chemin des Dames, de Craonne. Je crois avoir lu d'ailleurs qu'il a souhaité être enterré au cimetière de l'ancien Craonne.
La personnalité d'Yves Gibeau a été façonnée par son enfance qu'il a passée en déménagements incessants avec un père, ancien militaire de carrière obtus, une mère malheureuse et ses séjours dans les écoles d'enfants de troupe : au final, il aura donné environ 10 ans de sa jeunesse à la chose militaire de 1929 à 1939 puis sera réincorporé dans la foulée avant de finir prisonnier de guerre. On peut donc bien imaginer la lassitude de cet engrenage sans fin et la haine qu'il peut ressentir face aux militaires.
"Mourir Idiot" remet en scène les divers épisodes avant guerre puis les débuts difficiles de la période "libre" après le retour d'Allemagne dans lesquelles il détaille les relations orageuses avec sa famille (père, mère, frère) et ses inlassables tentatives pour rechercher et atteindre (ou pas) un certain bonheur.
Il y a plusieurs façons de lire le livre. On peut ne voir que la dèche qu'il traverse régulièrement avec sa compagne du moment entre les petits boulots précaires et les logements insalubres. On peut voir aussi un homme qui se bouge pour essayer de s'en sortir, maintenant que son destin, il l'a bien en main et qu'on ne l'oblige plus à marcher à un pas qu'il ne lui convient pas. On peut aussi voir dans le héros du roman quelqu'un qui ne cesse de rêver à un monde meilleur et qui ne cesse de rester optimiste.
Le style du roman, c'est celui qu'il avait adopté dans "Allons z'enfants" ou dans "les gros sous" , c'est un langage parlé très accessible et agréable à lire.
Avant de lire ce livre, je conseillerais, toutefois, vivement de lire ses autres romans, en particulier les deux sus-nommés.