A Londres, Jasper Gwyn, ancien accordeur de piano devenu auteur à succès en seulement trois romans, décide un beau jour d’arrêter l’écriture. Son agent pense que ce n’est qu’un caprice mais les mois passent et rien n’y fait. Peu à peu cependant, Mr Gwyn ressent un certain manque. Il se met d’abord à écrire dans sa tête puis, en observant des tableaux dans une galerie, il a une révélation et décide de se mettre à écrire des portraits. Mais des portraits particuliers, simples et épurés, sans description physique, qu’il rédigera après avoir longuement observé son modèle, nu et sans artifice. Des portraits en un seul exemplaire que le client s’engagera par contrat à ne jamais communiquer à qui que ce soit. Pour mettre son projet en œuvre, Mr Gwyn loue un immense atelier qu’il meuble sommairement et engage une assistante qui va servir de cobaye pour la mise en œuvre du premier portrait…
Quel étrange roman ! Un roman qui demande une certaine forme de lâcher prise. Ne pas se poser de question, tendre la main et se laisser emmener sans crainte vers un exercice de haute voltige. Car ce portrait d’un portraitiste relève à la fois de la mise en abyme et du labyrinthe. Ici, la littérature est un jeu, une imposture. Et derrière les excentricités de Mr Gwyn se cache une véritable réflexion sur le rôle de l’écrivain. J’ai beaucoup aimé ce personnage. Un personnage comme Baricco les apprécie, solitaire, animé par une détermination farouche, à la poursuite de rêves fous. Un homme touchant, hors des modes et du temps, évoluant dans un monde qui n’est plus le sien et qu’il cherche à fuir.
Le récit est porté par le style élégant de l’auteur de Soie. C’est à la fois subtil, mélancolique, poétique et décalé. Au final, il reste au lecteur une sensation assez indéfinissable où la délicatesse le dispute à la tendresse. Séduisant et délicieux.