Une lecture exigeante... n'ayons pas peur des mots, parlons vrai, une lecture indigeste. D'autant plus frustrante que c'est la deuxième fois que je tente l'expérience Woolf. Il y a vingt ans déjà, j'avais ouvert "Mrs Dalloway" pour l'abandonner de mémoire après une cinquantaine de pages péniblement pourfendues. Ce terme belliqueux en surprendra peut-être plus d'un mais lire "Mrs Dalloway" s'apparente pour moi à une lutte de chaque page, presque de chaque phrase. Si on a le malheur de ne pas entrer dans le récit avec l'abandon du somnambule qui n'a d'autre choix que de se laisser guider par ses pas, si on conserve la conscience du monde qui nous entoure et des activités dont il bourdonne, c'est voué à l'échec.
Pour apprécier "Mrs Dalloway", il faut accepter en effet de suivre le fil ténu d'une narration basée sur les pensées et les souvenirs d'un assez grand nombre de personnages qui donnent l'impression de déambuler à la fois dans leur vie, dans leur tête et dans un Londres pictural. Virginia Woolf fait se croiser les époques , passé et présent, et les moi de ses personnages ; elle dédouble ces derniers en les forçant à nous découvrir leur moi profond, au-delà de leur condition sociale. le thème est superbe, rien à redire à cela ; on retrouve dans "Mrs Dalloway" la marque des grands romans. Mais à la lecture, quelle torture ! Je ne m'étonne pas qu'un grand nombre de lecteurs jettent l'éponge en cours de route et si je me suis accrochée cette fois-ci, c'est bien pour remporter une bataille... au goût entêtant de défaite.
Je suis vraiment restée imperméable au style abscons de Virginia Woolf, lourd de parenthèses importunes et de brusques soubresauts en milieu de phrases. A défaut d'être dans la tête de l'auteur, j'ai eu le désagrément de retrouver le style d'une autre femme de lettres contemporaine, Elizabeth Bowen, dont les dialogues de sourds entre personnages m'avaient plus qu'exaspérée. Et j'ai eu beau essayer de me détendre, de lâcher prise - j'ai même privilégié les moments de lecture après mes séances de yoga -, rien n'y a fait, les choix de Clarissa Dalloway, tant passés que présents, m'ont terriblement ennuyée. Pousser l'introspection à ce niveau de profondeur peut être légitimement considéré comme un talent, il n'en demeure pas moins que pour ma part je ne me sens pas prête à replonger de sitôt dans l'univers torturant de Virginia Woolf.