Mrs. Dalloway
7.3
Mrs. Dalloway

livre de Virginia Woolf (1925)

Mrs. Clarissa Dalloway est une femme de la bonne société. Elle vit à Londres quelques années après la Grande guerre (1914-1918). Entretenant beaucoup de relations avec les gens de son monde, elle se fait un devoir et un plaisir de recevoir régulièrement. Son occupation du moment est donc la soirée qu’elle s’apprête à donner.


Le même jour, elle reçoit d’abord la visite de Peter Walsh qui, de retour d’Inde, vient lui présenter ses hommages. L’entrevue réveille des souvenirs et de fortes émotions, car Peter avait en son temps demandé Clarissa en mariage. Mais elle avait refusé avec comme argument que cela ne marcherait pas, malgré leurs sentiments réciproques. Peter lui explique qu’il vient à Londres pour demander le divorce (il a épousé une autre femme), pour pouvoir proposer le mariage à une jeune femme qui l’attend en Inde : Daisy, 24 ans, à qui il a donné le temps de réfléchir pendant ce voyage, car lui-même (comme Clarissa) a désormais la cinquantaine.


L’essentiel du roman présente les pensées et préoccupations des protagonistes, d’abord celles de Clarissa Dalloway (portrait intime très complet, puisque pour elle arrive l’heure d’une sorte de bilan, avec réflexions sur ce qu’aurait pu être sa vie avec d’autres choix), mais aussi celles de Peter Walsh et de nombreux autres personnages. Virginia Woolf se montre d’une grande virtuosité pour passer très naturellement de l’un à l’autre, notamment lorsqu’ils se croisent, parfois même sans se connaître et s’adresser la parole. Cette virtuosité est à l’image du comportement de Clarissa Dalloway le soir lors de sa réception, où elle virevolte de l’un à l’autre, dans son élément naturel, adressant des manières, des sourires, des flatteries en tous genres. Le but est d’afficher une connaissance d’un maximum des personnes présentes, toutes si possible, et de répandre un état d’esprit dont chacun chacune pourra se féliciter en papillonnant de l’un à l’autre, un verre à la main et en grignotant des canapés chipés au gré des passages du personnel de service dans cette multitude qui se presse dans le salon de Mrs. Dalloway. A tel point qu’il devient rapidement évident que la place manque pour envisager de danser. A vrai dire, outre certaines jalousies, ce qui agite les esprits peut se résumer en une simple question : est-ce que le Premier Ministre viendra ?


Dans le même temps, nous suivons également un jeune couple. Lui, Septimus Warren Smith a combattu en Europe. Marqué par les horreurs de ce conflit où beaucoup sont morts sous ses yeux, il en est revenu en bonne santé apparente, mais souffrant d’insensibilité. Quelque chose que sa jeune épouse Rezia, chapelière qu’il a rencontrée dans la pension où il a séjourné en Italie, supporte très mal. Rezia fait venir un médecin, puis un autre, en désespoir de cause car le premier affirme que Septimus est en bonne santé alors qu’il affiche une tendance suicidaire !


Ce roman relativement court montre le talent de Virginia Woolf pour dresser des portraits très personnels sans y consacrer des pages. On note par exemple la manie de Peter Walsh de triturer régulièrement son canif. La virtuosité de Virginia Woolf éclate dans sa maîtrise de la langue : elle se permet toutes les audaces de forme, allant jusqu’à commencer un chapitre par une parenthèse. Un style constamment surprenant qui lui permet de passer d’un personnage à l’autre avec une aisance stupéfiante, de citer un détail en apparence insignifiant et de l’évoquer fugitivement un peu plus tard pour des réminiscences qui ne peuvent que titiller l’esprit du lecteur (de la lectrice).


Après ce petit inventaire de la forme, que penser du fond ? En apparence, ce roman qui se concentre sur quelques heures donne une première impression de futilité. Ayant pu le lire en deux jours (première lecture de confinement), j’ai pu me concentrer dessus comme rarement. Cette futilité de pensées et d’action de Clarissa Dalloway est évidemment voulue par Viriginia Woolf qui fait une description au vitriol de toute la société gravitant autour de la famille royale à l’époque (dans un quartier très réduit). Pour ces personnes, ce qui compte c’est le paraître et tout ce qu’on pourra dire dans cette société, avec un sous-entendu primordial : j’appartiens à ce cercle fermé et je peux donner mon opinion sur toutes les personnes ici présentes. Bien entendu, Virginia Woolf ne se contente pas des attitudes et paroles, nous donnant à comprendre ce que les uns et les autres pensent réellement. Ainsi, Clarissa Dalloway ne fait pas l’unanimité et son principal souci vient du fait que sa propre fille, Elizabeth 17 ans, est sous la coupe de Miss Doris Killman, 40 ans, vieille fille sans le moindre attrait physique, qui méprise Clarissa.


Virginia Woolf ne se contente pas de ce portrait d’ensemble déjà très vivant (et poétique, coloré, varié), même si pas facile d’accès. Elle introduit dans sa galerie de personnages suffisamment de personnalités différentes (sexe, origines, milieux, générations) pour évoquer de nombreux points qui agitent la société de l’époque. En ce sens, elle fait œuvre sociale et donne à observer beaucoup de détails caractéristiques de la société londonienne de l’époque. On peut bien sûr lui reprocher de se contenter d’effleurer certains sujets fondamentaux, mais cette façon de faire reflète l’état d’esprit de son personnage central et de la société dans laquelle elle évolue. Parmi ces sujets : l’Empire britannique et la situation en Inde, le droit de vote des femmes et la condition féminine de manière générale, les effets de la Grande guerre. Enfin, l’utilisation du téléphone et du métro se sont déjà banalisées.

Electron
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le 25 mars 2020

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