Premier roman remarqué de la rentrée d’automne (bonne presse, prix Stanislas de Nancy), Mythologie du .12 m’a déconcerté. L’auteur (au nom magnifique) vient de la poésie mais écrit ici de très longues phrases, sinueuses, heurtées, scandées par des virgules. Ce n’est pas l’écriture que je préfère. Cela rappelle Que notre joie demeure de Kevin Lambert, et plus lointainement Houellebecq, mais l’un comme l’autre employaient un second degré, une ironie et un ton laconique qui désamorçaient le procédé en le rendant joyeux et drôle. Là, non. C’est très sombre, lourd, la lecture est malaisée, assez désagréable.
Certes, cette écriture par flots continus fonctionne assez bien avec ce que Célestin de Meeûs veut faire : il se met dans la tête de deux personnages et restitue leur flux de pensée. Théo, 18 ans, glande sur un parking de zone commerciale. Il zone. Il attend non pas Godot ou la mort (encore que), mais son pote Max, avec qui il compte glander à deux, boire des bières chaudes et fumer des pétards. Des trucs que l’on fait à 18 ans en Belgique, en somme. Pas très loin, il y a le docteur Rombouts, qui part de l’hôpital pour retrouver sa grande maison vide. Évidemment, ils vont se croiser ; on devine assez vite comment. Le docteur est à bout. C’est un homme d’un autre temps, d’une autre génération (un gros con, si vous me permettez).
Le roman déconcerte car on ne voit pas bien le propos. Les hommes sont violents, la jeunesse c’est magnifique ; bon, ok. Je préfère relire Nicolas Mathieu. Il y a tout de même un morceau de bravoure que je dois signaler, les pages 58-60 où l’auteur fait revisiter par Théo la cosmogonie grecque. Ça m’a rappelé la flamboyance de Maria Pourchet dans Feu, où la jeune fille Vera résumait l’Andromaque de Racine au lance-flammes. C’est un premier roman ; on lira sans doute le second avec attention.
[…] quoi qu’il en soit du Ciel et de la Terre était né Cronos, le Temps, il en était certain, et les Cyclopes, cela aussi il se le rappelait bien, mais à ce stade tout devenait confus et vague dans son esprit, les noms et filiations se mélangeaient, mais ce qui était sûr, c’était que le commencement du monde avait été baigné de guerres de nymphes et de violence, de querelles et d’amours, jusqu’à ce que Cronos, « en bon queutard », baise quelqu’un d’autre, « oui mais qui ? Rhéa, ou quelque chose comme ça ? », c’était cela, se rappela Théo, sans parvenir à se souvenir d’où sortait cette fameuse Rhéa […] (p. 59)