Clairement, on a parfois l'impression d'être face à un bouquin de "littérature jeunesse", avec des héros stéréotypés, un style très accessible et des références un peu cheap. C'est le principal défaut de "N'oublier jamais", qui déplaira immanquablement à un lectorat cultivé et exigeant.
Cela dit, moi qui ne suis ni dans cette mouvance élitiste, ni un amateur de romans de gare, ce que j'apprécie énormément dans le travail de Michel Bussi, c'est son souci de renouveler le roman d'énigme, célébré jadis par des auteurs tels que Conan Doyle, Gaston Leroux et surtout Agatha Christie, que j'ai toujours adoré.
Cette frange du roman policier, qu'on pourrait assimiler au whodunit classique, pour faire simple, a connu son heure de gloire au début du XXème siècle, avant de céder la place au roman noir et à ses dérivés. Bussi tente à sa manière de réhabiliter le roman d'énigme en le modernisant, et je tiens à saluer la démarche.
Dans "Les nymphéas noirs", son œuvre la plus connue, l'écrivain français proposait déjà une construction narrative ambitieuse (et à moitié convaincante seulement), procédé qui revient dans chacun de ses polars à des degrés divers, notamment dans "N'oublier jamais", dans lequel le récit se présente sous une structure originale, quoique lourde et indigeste par moments.
L'intrigue complexe imaginée par Michel Bussi fourmille d'idées, qui certes ne s'avèrent pas forcément toutes pertinentes, mais qui parviennent à susciter le mystère, manipuler le lecteur et lui offrir un plaisir ludique.
D'autant que le romancier originaire de Normandie se situe à l'exact opposé de la tendance très noire et violente qui entoure le polar moderne : ses héros ne sont jamais de superflics taciturnes et borderline, à la poursuite de tueurs en série sanguinaires...
Son truc à Bussi, c'est plutôt les girls next door ou les anti-héros du quotidien, à l'image ici de Jamal, un jeune beur de banlieue handicapé.
C'est sans doute ce qui plaît tant à son noyau de fans, toujours plus nombreux, et malgré les défauts inhérents à ce type de littérature de proximité, l'ensemble reste agréable jusqu'à présent.
De la lecture plaisir sans prétention, tout bêtement.