"Nationalistes et nationaux" nous plonge dans l’histoire tumultueuse de la droite nationale, depuis la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’au régime de Vichy. A chaque époque, on est amené à examiner les rapports entre politiques intérieure et extérieure ainsi que la dialectique ambiguë d’une droite qui prendra tantôt le parti de la guerre tantôt celui du pacifisme en fonction des intérêts de ceux que Guillemin nomme ironiquement les « gens de bien », autrement dit les possédants. Ce que le titre ne nous dit pas clairement, c’est qu’il ne s’agit pas là d’une histoire du nationalisme français à proprement parler mais de son instrumentalisation par les élites économiques. D’Adolphe Thiers au maréchal Pétain en passant par Mac-Mahon ou Maurras, c’est l’histoire d’une imposture qui nous est présentée, celle d’un capitalisme qui se pare quand ça l’arrange des couleurs nationales.
La perspective choisie par l’intellectuel de gauche Guillemin pourra paraître un peu unilatérale aux yeux de certains lecteurs, mais qu’ils se rassurent : la social-démocratie en prend aussi pour son grade, l’auteur nous rappelant que « le centre droit [est] la face visible de l’Argent, le centre gauche sa face cachée ». Il n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la diversion anticléricale que la gauche a si longtemps utilisée pour distraire ses électeurs de la question sociale : « Tant que les travailleurs crieront “A bas la calotte !”, ils ne mettront pas en cause les banquiers. Casser des burettes détourne les exploités de s’en prendre aux coffres-forts. »
Plusieurs fils rouges traversent l’ouvrage : le long débat autour de l’impôt sur le revenu, le mouvement historique du nationalisme français qui ne passera à droite qu’après l’affaire Boulanger, la question coloniale, le phénomène de l’antiparlementarisme ou encore la constante des tactiques capitulardes de l’armée française, de Bismarck à Hitler. « La force effective, écrit-il, c’est la force souple et feutrée où l’Argent roi clame à pleins poumons : vive la République ! » Un livre à lire non comme une charge contre le nationalisme mais comme une critique sans complaisance de la grande bourgeoisie d’affaires et de ses tentatives pour manipuler l’opinion publique.