Il y a des livres comme cela qui nous échappent. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur en fait partie et ma fréquentation de Sens Critique m’a fait franchir le pas.
Présenté comme un ovni (c’est le seul livre publié par son auteur Harper Lee), il l’est bien un peu. L’auteur y a mis toute son enfance avec un humour léger, une absence de mièvrerie notable et une justesse de ton remarquable. C’est par le regard d’une enfant, sauvageonne touchante, que se dévoile la vie d’une petite ville américaine, oscillant entre légèreté et fantasmagorie des jeux d’enfants et prise de conscience des injustices de la société américaine.
La découverte du racisme par cette enfant, sa prise de conscience effarée mais jamais appuyée, est un des plus beaux aspects du roman. La subtilité de l’alliance entre la naïveté, la révolte, la distance, l’acceptation, l’engagement, et finalement la construction d’une conscience est absolument superbe.
Certes, certains dialogues sont répétitifs. Certes, la rencontre entre l’aspect thriller, le roman social et le roman d’apprentissage se fait parfois de façon un peu artificielle, surtout à la fin, à mes yeux un peu décevante. Mais tout cela baigne dans une atmosphère portée par un style jamais pesant qui donne une certaine harmonie à l’ensemble et porte le lecteur – parfois même jusqu’aux confins d’une certaine étrangeté, dans des scènes pourtant très réalistes.
Moins noir que l’Attrape Cœur de Salinger, peut-être plus profond, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est quand même bien un petit miracle, au même titre que La vie devant soi de Gary.