« J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la République. »
Constance a quitté sa ferme de l’Indiana pour rejoindre les troupes fédérales. Elle a tout abandonné, une vie rangée, un mari aimant, pour l’incertitude de la guerre et une mort assurée. Sous l’identité masculine de Ash Thompson, elle découvre la fraternité rugueuse des hommes de troupe, puis se taille une réputation de cogneur, d’excellent tireur et de galant homme en n’hésitant pas à secourir une jeune femme grimpée à un arbre. De ce fait d’arme, ces camarades tirent une chanson populaire qui la suivra ensuite tout au long de son périple. Elle apprend surtout à tuer un homme, sans manifester d’émotion, sur ordre et pour assurer sa propre survie.
Des camps d’entraînement plantés au milieu de nulle part, où elle creuse des latrines et apprend à marcher au pas, jusqu’aux champs de bataille de la guerre civile américaine, elle accomplit son odyssée. Pénélope à l’envers préférant laisser son Ulysse garder le foyer, elle nous raconte avec ses propres mots (maux ?) le deuil intime qui la guide jusqu’aux tréfonds de son être.
En lisant le résumé de Neverhome, d’aucuns pourraient se dire : encore un roman sur la guerre civile américaine (aka la guerre de sécession sous nos longitudes). Au moins aussi traumatique dans la mémoire collective américaine que la guerre du Vietnam, l’événement sert ici de prétexte pour nous immerger dans la psyché d’une femme un tantinet perturbée. Ayant fait sécession de son passé et de son mari, avec lequel elle entretient toutefois une correspondance pour le moins relâchée et sans doute imaginaire, Constance aspire à servir son pays en éliminant la Confédération scélérate. Mais d’autres raisons plus intimes déterminent ses choix, la conduisant à s’engager pour oublier son passé familial et venger l’affront subit par sa mère et elle-même. On évolue ainsi tout au long du roman dans une zone grise de la conscience, un terrain mouvant et périlleux.
Laird Hunt nous livre également une énième variation autour de l’absurdité de la guerre et de la notion de courage, donnant aux combats une coloration fantasmagorique sans nous épargner leur horreur. Le récit est enfin jalonné de superbes trouvailles poétiques, à l’image de cette serre aux parois composées d’images-fantômes.
Bref, vous l’aurez compris, Neverhome est un gros coup de cœur, dont les mots de cette chronique peinent à restituer la profondeur, la douleur latente et la folie.
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