Un psychothérapeute écrivant un livre pour dénoncer le recours excessif de nos contemporains à la psychothérapie et ouvrant les hostilités avec une citation de Philippe Murray ne pouvait que retenir mon attention. « Le nombre de personnes qui se sentent toujours plus mal semble suivre la même courbe exponentielle que le nombre de thérapeutes qui s’installent sans que l’on sache lequel de ces deux phénomènes est la cause de l’autre. » Analyste jungien, Valterio dresse le portrait à charge de ce qu’il appelle la « psyrose », une névrose moderne « à dominante intra-utérine » omniprésente dans la société, des écoles aux séminaires d’entreprises en passant par les innombrables cellules de soutien psychologique, qui a succédé à la névrose judéo-chrétienne qu’elle prétendait combattre. Il en examine les principaux symptômes : pédolâtrie, victimisation, vénération de l’enfant comme un éternel martyr, diabolisation de toute forme de sevrage affectif, prévalence de la loi du plus faible, narcissisme, règne sans partage de Big Mother, dévoiement de la bienveillance en complaisance, culture de l’excuse permanente, refus de porter des jugements. « L’avidité morbide que semble nourrir la mentalité thérapeutique pour le traumatisme aura fini par convaincre tout le monde qu’il appartenait à la noble cause des traumatisés. On ne va pas en thérapie pour se faire du bien. On y va pour valider le fait qu’on est bel et bien la victime de ses traumatismes d’enfant. »
Illustrant son propos de nombreux cas cliniques rencontrés durant sa carrière, l’auteur porte plus particulièrement son attention sur les liens familiaux, les méthodes éducatives et les identités sexuées. Pourfendant les ravages du féminisme, la théorie du genre, la « pudibonderie pathogène » des thérapeutes, l’intellectualisation à outrance, le climat de délation castratrice à l’encontre des pères (dont la figure devrait se limiter à celle d’un « dealer en friandises affectives »), il rappelle que la négativité consubstantielle à l’existence humaine ne peut être évacuée par un tour de passe-passe performatif et qu’il conviendrait plutôt d’apprendre à savoir y faire face. Le rêve d’une société plus maternante ou d’une féminisation de la société procède d’une idéalisation qui ne voit que la part positive d’une telle utopie sans en soupçonner les dérives, alors qu’il nous faudrait au contraire un retour à la figure paternelle. Une thèse politiquement très incorrecte, à contre-courant de toute la guimauve ambiante.