Se dire que Lovecraft se limite seulement aux histoires macabres et au mythe de Cthulu serait une énorme erreur, car on passerait alors au dessus d'une partie submergée de son œuvre, pourtant si intéressante. Submergée donc par le mythe de Cthulu, cette partie est ici enfin dévoilée dans ce recueil, mettant enfin en lumière les multiples exercices de style, écrits dont seul Lovecraft pourrait en dénouer le sens, les histoires d'humour noir et autre perles improbables tapies jusqu'ici dans l'ombre.
Et elle s'ouvre de la plus formidable des manières avec l'une des nouvelles les plus poétiques et macabres qu'ait pu écrire Lovecraft à ce jour : Night Ocean. Tout en poésie et sans retenue aucune, Lovecraft et un autre auteur, Barlow, collaborent pour délivrer à la fois une nouvelle horrifique aux relents d'Innsmouth, et une lettre d'amour à l'océan. Détaillant avec une fascination inhumaine les paysages tantôt colorés, tantôt grisâtres qui défilent sur une plage et sa minuscule maison excentrée du village, les deux auteurs délivrent l'une des nouvelles les mieux écrites de l'édifice Lovecraftien, où leur protagoniste y développe un syndrome de Stendhal alors qu'il contemple l'océan et l'astre solaire. Cette prose bienvenue est un véritable caviar pour les amoureux des récits du fou de Providence qui offre ici un mélange délirant de nihilisme, de poésie picturale, et d'amour pour les profondeurs insondables de l'océan.
Mais ceci n'est finalement qu'une mise en bouche, car pléthores de récits plus intrigants encore attendent le lecteur impatient d'en découvrir plus sur l'univers de Lovecraft. Du chaos rampant qu'est Nyarlathothep jusqu'aux confins du rêve de Ex Oblivione, d'un match de boxe aux enjeux étrange jusqu'à la face hideuse de la Lune, on peut s'attendre à tout comme à rien dans ce recueil.