Le roman, Nord Sentinelle de Jérôme Ferrari est un délice de finesse, d’humour, de dérision et de réflexions ! En convoquant la figure sans scrupule du premier explorateur du monde, Richard Francis Burton, Jérôme Ferrari dénonce les touristes, les autochtones, tout le monde en fait, dans son roman, dont le sous-titre est Contes de l’indigène et du voyageur, en prenant exemple sur son île de beauté, la Corse.


Premier opus d’une trilogie annoncée, Nord Sentinelle démarre par le geste criminel, insensé, du cousin du narrateur, issu des puissants Romani, qualifié rapidement de « con » et de » parasite alangui, violent ».


Un soir de terrasse pleine, tout juste après la pandémie, le jeune Alexandre Romani s’en prend à un touriste, Alban Genevez, étudiant en médecine et le poignarde. Aussitôt, emprisonné, le meurtrier ne regrette rien, et même continue à être fier de son acte. On apprendra plus tard les raisons de son geste, assez dérisoires, en fait !


Explorateur et autochtone

Convoqué Richard Francis Burton au début du roman, c’est accepté le constat d’un sultan, semble-t-il illustre, qui après lui avoir offert l’hospitalité n’a pu que le regretter : il avait souillé la terre de sa ville sainte. Ainsi, Jérôme Ferrari laisse entendre que tous touristes seraient » à tuer » pour éviter une contamination dangereuse. Il fait un parallèle avec son petit-cousin Alexandre, autochtone indéniable, qui lui, un jour, a accompli le geste que le sultan aurait tellement dû faire. Le style est alambiqué, complexifié comme s’il s’agissait d’une écriture du 19 ème siècle au début.


En remontant le fil de ses souvenirs, avec une écriture en italique que le narrateur adresse à Catalina, la mère d’Alexandre, pour qui il garde une attirance certaine, le narrateur commence à distinguer les autochtones. Car, Philippe, choisit par la belle Catalina, le père d’Alexandre, est aussi son ami d’enfance. C’est dire que le narrateur connaît bien cette famille qui domine son île natale depuis des siècles.


Seulement, au fil des chapitres, où l’écriture de Jérôme Ferrari se libère de ce carcan imposé du début. Elle devient rapidement ironique, savoureuse et même hilarante avec la description de scènes mémorables.


Ainsi, les propriétaires actuels, vivants de cette industrie du tourisme ont tendance à oublier que leur respectabilité, acquise au fil des ans, ne repose que sur une criminalité du passé, comme l’histoire de Nicolas Romani le signale.


En conclusion

Seulement, aucun manichéisme chez Jérôme Ferrari, car sa famille n’est pas uniquement liée à celle des Romani par la traîtresse Catalina. Tout est imbriqué. La famille du narrateur a choisi la connaissance à la criminalité. Mais, à chaque souvenir, les Romani sont présents.

Rien ne permet de s’extraire de cette mélasse, ni l’exil, ni la politique !


Constat pesant et inexorable de Jérôme Ferrari, répétant dans cette fin, d’une seule phrase, le destin de chacun à assumer dans sa solitude sa responsabilité d’être humain.


Jérôme Ferrari raconte, sous forme de contes mis en lumière par la table des matières, l’histoire de vies marquées par des destins différents, où chacun doit assumer son libre arbitre dans une solitude totale, en prenant pour exemple ses sujets favoris : sa terre, les hommes qui la composent et les touristes qui l’envahissent.


Brillant, sarcastique, détonnant et puissant !

Chronique complète et illustrée ici

https://vagabondageautourdesoi.com/2024/08/25/jerome-ferrari-nord-sentinelle/

matatoune
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le 30 août 2024

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