Après "Le Sermon sur la chute de Rome" qui m'avait laissé un souvenir lointain d'une écriture précieuse, je me suis plongé dans "Nord Sentinelle" de Jérôme Ferrari avec curiosité. Le roman déploie une structure narrative complexe, multipliant les allers-retours temporels et spatiaux qui, s'ils témoignent d'une certaine ambition littéraire, finissent par apparaître comme un artifice pesant pour un texte relativement court.
Le parallèle établi entre l'histoire contemporaine et celle du sultan, censé donner de la profondeur au propos, peine à convaincre. L'affrontement entre Alexandre et Alban, qui constitue le cœur du récit, aurait tout aussi bien pu se jouer entre deux protagonistes locaux sans que le roman n'y perde en substance. De même, la critique du surtourisme, si elle n'est pas dénuée de fondement, souffre d'un manque évident de nuance et de profondeur analytique, tombant parfois dans une caricature qui dessert le propos.
Le style de Ferrari oscille entre moments de grâce - notamment dans certaines descriptions truculentes et des passages d'un cynisme jouissif - et une complexité parfois gratuite. Les phrases-fleuves qui s'étendent sur une page entière semblent relever davantage de l'exercice de style que d'une véritable nécessité narrative. Si Proust a magistralement démontré la puissance de telles constructions, leur usage ici apparaît quelque peu artificiel, particulièrement au regard de la modeste envergure du roman.
Reste une écriture qui, malgré ses aspects alambiqués, sait par moments se faire alerte et captivante. Mais on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur aurait gagné à faire confiance à la force intrinsèque de son récit plutôt que de le surcharger d'artifices littéraires qui finissent par en diluer l'impact.