Roman lu en été, il s'accommodait très bien à la chaleur du mois de Juillet. Peut-être parce que l'action circule entre plusieurs ports (Seattle, San Francisco puis New York) et qu'en fin de compte un air marin soufflait entre les pages ?

C'est le port dans sa version industrielle avec comme héros une masse de dockers au milieu desquels évolue Eddy Florio le protagoniste. Je me souviens avoir détesté les Affranchis après avoir adoré Le Parrain, sûrement parce que la vulgarité et les mauvaises manières du personnage de Joe Pesci étaient une insulte à l'élégance de Marlon Brando, et que deux types de mafias se confrontaient à travers ces deux films ...

Or ici c'est différent. Le protagoniste est souvent détestable, et notamment vis-à-vis des femmes : domination, humiliation et le plus souvent une violence sexuelle qui m'a fait fermer le livre un temps, passablement agacé.
Et en même temps on sent bien qu'il n'a pas été imaginé pour qu'on l'aime. Son seul intérêt à mon avis - hormis peut-être sonder la part de perversité qu'il y a en nous, mais j'avoue ne pas encore chercher cet examen de conscience - est de montrer comment quelqu'un de rusé parvient à louvoyer dans les rapports sociaux des USA libéraux et capitalistes ... et de mieux explorer ces rapports : le monde ouvrier des dockers, le patronat et ses armes policières, la pègre italienne, irlandaise et juive.

Et au milieu de tout ça des organisations dont l'ambiguïté est plutôt bien dépeinte. Syndicats rarement aussi représentatifs qu'on s'y attendrait, partagés entre syndicats de "jaunes" au service du patronat ; syndicat plus sincèrement au service des travailleurs (l'International Longshoremen's Asociation) mais dont les dirigeants - très proches de la mafia au passage - sont volontiers anticommunistes et s'allient au gouvernement pour faire la chasse au rouge ; et un parti communiste qui au fur et à mesure que la ligne stalinienne s'affirme semble ne plus trop savoir quel est l'intérêt des travailleurs ...

Enfin la structure est simple mais habile, selon un modèle d'ascension-chute du héros, largement sous-tendu par un contexte historique qui va des grandes grèves portuaires de 1919 au McCarthisme de l'immédiat après-guerre en passant par le New Deal de Roosevelt. Mention spéciale à l'Epilogue, hors-temps complet par rapport au récit et qui retombe admirablement sur ses pattes en faisant converger Histoire du mouvement social et destinée du héros en un point complètement inattendu et pourtant si cohérent.
JulGB
7
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le 2 août 2013

Critique lue 90 fois

JulGB

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