Nous sommes tous des Playmobiles par Reka
"Nous sommes tous des playmobiles" est un recueil de dix nouvelles au parfum d'absurdité.
Je ne suis pas amatrice de nouvelles, et si j'ai été à la rencontre de ce livre, c'est essentiellement à cause de son titre et de sa quatrième de couverture aguicheurs. Toutefois, le contenu de ce recueil n'a guère concordé avec l'idée que je m'en étais fait. Je m'étais en effet attendue à trouver une critique probablement cocasse de – entre autres – Bruxelles, ville surpeuplée où court une population terne et désabusée. Or, si certaines histoires ont lieu à Bruxelles, ce n'est pas tant pour en chambrer les occupants...
Dans ce recueil, il n'est pas non plus question de playmobil(e)s au sens propre. Toutefois, le titre de l'ouvrage divulgue métaphoriquement son fil rouge : dans toutes les nouvelles, il est question d'individus ballottés/secoués par la vie, par leurs semblables ou par de menus détails qu'on pourrait croire insignifiants.
C'est ainsi que l'on rencontre...
Un banquier cocu/quitté qui reçoit à son domicile les visites simultanées et non concertées de son odieuse ex-femme et de gangsters très peu futés...
Un directeur commercial qui salit sa chemise peu de temps avant un rendez-vous très important...
Un homme non diplômé, sans emploi et donc fauché qui rêve d'emmener sa bien-aimée au Canada.
Un Académicien qui se fait prendre en otage par deux individus ulcérés par les règles – la dictature ! – imposées par l'Académie royale et qui revendiquent leur droit de mettre des « rait » après les « si » s'ils l'entendent !
Un vieil homme très seul, attablé dans un bar, qui brûle de lier conversation avec la serveuse...
Un homme qui timbre et étiquette plus vite que son ombre, et qui n'a pas sa langue et ses gestes en poche, même vis-à-vis des supérieurs de l'entreprise dans laquelle il a été nouvellement engagé...
Un jeune garçon appelé Georges, qui aime son prénom pour le mythe qui l'accompagne, même si ses camarades rigolent de lui...
Un homme qui se lance dans la formation de criminels et qui n'a qu'un seul apprenant, niais.
Un intrus qui cherche à s'infiltrer dans la maison d'un couple bourgeois qui a justement choisi ce jour pour se disputer violemment...
Un type qui ne se remet pas d'avoir percuté un jeune homme avec sa voiture et lorgne en vain des nouvelles de l'accidenté qu'il croit avoir tué bien que celui-là soit reparti en parfaite santé...
Toutes les nouvelles ne sont à mon sens pas de qualité similaire. Les trois premières et la septième m'ont nettement moins convaincue que toutes les autres. Mais, en un sens, je préfère que l'entrée soit moins délectable que le dessert pour éviter les déceptions. Or, j'ai témoigné un intérêt croissant aux nouvelles dès lors que j'ai fait la connaissance des fadas (ou pas?) de la très jubilatoire 4e nouvelle !
J'ai ensuite cahoté d'histoire en histoire, étourdie par l'alternance de ressentis radicalement différents que généraient leurs lectures successives... Après les rires que m'ont valu la 4, ont retenti l'attendrissement et l'amertume pour le vieil homme seul de la 5e nouvelle. Homme seul qui laisse sa place à un homme impulsif, insolent, dingue et prodigieusement amusant dans la 6e histoire...
Bref, chaque nouvelle désopilante/déjantée est suivie par une autre, d'un tout autre ton, souvent plus sérieux, mais certainement pas moins digne d'intérêt, que du contraire !
"Nous sommes tous des playmobiles" est en somme un recueil surprenant, parfois empli d'un l'humour noir/grinçant, parfois pourvu d'un sérieux voire d'une sagesse tout à fait inattendus.
En organisant le challenge « littérature belge », j'émettais l'intuition de trouver parmi les lettres belges un petit quelque chose de différent. Ce recueil le confirme, et cela vaut ici tant pour la forme que pour le fond. Outre le fait que l'auteur cite de nombreux lieux connus à Bruxelles – ce qui rend fatalement la lecture un peu plus belge ! -, je ressens dans la prose de Nicolas Ancion davantage de liberté que dans la plume d'auteurs d'autres nationalités et ce type de littérature « affranchie » est à mon sens joliment rafraîchissante !
Une découverte étonnante et globalement réjouissante !