La science-fiction avec Corpus delicti, le thriller avec Décompression, la chronique urbaine avec Brandebourg : qu'importe le genre littéraire qu'elle aborde, Juli Zeh n'aime rien moins que de montrer le chaos sous le côté lisse des choses (façon David Lynch), d'un point de vue sociologique ou psychologique. Dans Nouvel an, l'un de ses livres les plus concis, elle explore le traumatisme d'enfance d'un homme bien sous tous rapports, confronté à d'inexplicables montées de tension qui l'entraînent dans un gouffre angoissant et sans fond. La romancière narre deux épisodes bien distinctes, à des époques de vie différentes pour le personnage principal de Nouvel an, mais dans un même lieu, à la fois radieux et inquiétant : l'île de Lanzarote. Juli Zeh nous installe quasiment dans le fauteuil d'un psychanalyste soumis au traumatisme aigu de son patient, lequel stagne comme eau croupie dans les tréfonds de sa mémoire. Et la position du lecteur est on ne peut plus inconfortable, l'auteure adorant semer le trouble et créer un malaise anxiogène qui culmine dans les pages où de jeunes enfants sont livrés à eux-mêmes pendant deux jours. Suspense garanti tout au long du livre mais ce n'est évidemment pas ce qui intéresse Jili Zeh au premier chef, avec son style clinique, d'une précision diabolique dans les détails. Non, ce qui la passionne, c'est de touiller dans les âmes de ses frères et sœurs humains et de pointer les dysfonctionnements et les fragilités. Ce n'est pas de tout repos mais le plus souvent passionnant.