Le dernier roman de Chris Offutt raconte une histoire d’amour improbable où les personnages, portés par leurs idéaux, ne dévient pas de leurs objectifs.
Au début de *Nuits appalache*s, on ne peut que penser à un classique du cinéma : Rambo (1983). Là où Sylvester Stallone campait un soldat rentré du Vietnam qui peinait à s’intégrer, le personnage principal du roman de Chris Offutt rencontre les mêmes difficultés à son retour de la guerre de Corée. Hostilité des habitants, visions d’horreurs de la guerre qui s’enchaînent, peur des autres : Tucker, de retour dans le Kentucky, trouve refuge dans une forêt d’où il est tiré par des cris. Sauveur de Rhonda, celle-ci deviendra sa femme et lui donnera cinq enfants. Cela pourrait être le début d’une très belle histoire, de celles qui s’écrivent à la fin des contes. Mais Chris Offutt en a décidé autrement : le bonheur sera peu présent.
Sur près de vingt ans et cinq dates clefs, Chris Offutt nous donne à voir une famille qui s’aime mais que l’existence et la malchance bouleversent. La majorité des enfants mis au monde par Rhonda est handicapée : avec un mari toujours sur les routes pour nourrir sa famille grâce à son job de contrebandier, Rhonda va se battre avec les services sociaux pour prouver qu’elle peut subvenir aux besoins de ses enfants, que l’amour qu’elle leur porte compense les difficultés financières. Cette Amérique loin de tout, des grandes mégalopoles, du progrès et de la justice est merveilleusement décrite. Les descriptions d’une nature paisible, accueillante et luxuriante contrastent face à des hommes habités par la violence mais qui obéissent jusqu’au bout à leurs idéaux. Il n’y a pas de mauvaises personnes dans Nuits appalaches mais seulement des personnages malmenés par la vie qui s’efforcent malgré tout de tenir bon.
« Enhardi, Shiny posa des dizaines de questions auxquelles sont père répondit patiemment. Et puis ce fut l’heure du feuilleton préféré de Rhonda et elle fit taire tout le monde. La réception était de moins en moins bonne. Tucker sortir tourner l’antenne attachée à un poteau jusqu’à ce que l’image soit meilleure. Mais le son fut alors réduit à un murmure. Shiny se planta devant la porte pour relayer les informations entre son père et sa mère. Rhonda déclara qu’elle préférait entendre ce que les gens disaient, parce qu’elle savait déjà à quoi ils ressemblaient. Tucker réajusta l’antenne pour faire revenir le son. Un frelon voleta devant lui, une sentinelle, et il se demanda à quelle distance de la maison était le nid. »