On trouve un plaisir malsain à désacraliser la figure d’un poète. Lorsque Teulé décrit Verlaine, c’est pour appuyer sur les détails de sa « face mongoloïde », et le personnage est aussi laid qu’il est obscène. Quand il apparaît pour la première fois dans le livre, le petit Cornuty le découvre dans un endroit miteux, avachi sur le lit d’une prostituée, le crâne grouillant d’insectes.
Il faut gratter pour chercher la poésie sous ces visages immondes, sous ces caractères rudes, jaloux, agressifs ou vaguement idiots, il faut chercher la poésie sous les odeurs du Paris sale, sous les ordures et dans les vieux appartements. C’est, à mon sens, là où se situe le vif intérêt du roman. Les courts extraits de poèmes rappellent à qui l’on a affaire, et le Verlaine antipathique redevient le Verlaine génie. A l’image du prêtre qui, après avoir entendu Verlaine en confession, le renvoie brutalement de l’église, puis accepte volontiers de se rendre au chevet du poète mourant car il a finalement lu sa poésie, on est tiraillé entre ces deux parts du personnage, qui nous ballade entre admiration et répulsion. Derrière, le personnage de Cornuty, qui tue ou mutile ceux qui s’opposent à Verlaine, est à la fois touchant et répugnant. Touchant dans sa dévotion, répugnant dans ses crimes. C’est à cela qu’il faut s’attendre tout le long du livre. Dans l’ensemble, donc, une lecture difficile, parce que la précision de l’écriture de Teulé malmène ses personnages et le lecteur avec, et on se trouve avec des sentiments contradictoires; l’empathie pour le poète est réveillée seulement lors des courts extraits de poèmes, ou lorsqu’il est successivement maltraité par ses deux amours.
Le Paris du XIXème est simplement et efficacement reconstitué, et on croise parmi les plus grandes figures de l’époque.
Cependant, O Verlaine s’avère rouler sur les mêmes rails que Charly 9. Même style très précis, incisif, régulier, moderne, toujours satisfaisant à la lecture, mais le roman est malheureusement sans surprises. L’intrigue est secondaire, certes, et on ne peut enlever à Teulé son sens de la formule, mais le parallèle est vite fait avec l’histoire du Roi de France. Je me suis doucement lassée …
Teulé a un sens du détail indéniable, Teulé est drôle, Teulé sait écrire, Teulé sait décrire et, même si je suis restée sur la route cette fois-ci, je n’attends plus que de voyager encore avec lui, comme j’ai voyagé avec Charly.