Plus je lis Teulé, plus je l’apprécie. Ce type est un de nos grands conteurs contemporains, et comme avec son roman qui allait suivre celui-ci, « Je, François Villon », il a su faire revivre ici avec brio un autre grand poète français du XIXe siècle, Paul Verlaine. A l’aide de sa plume agile et stylée, il nous montre le poète sous un jour original, dans la dernière année de sa vie pour le moins tumultueuse, en insérant des éléments de fiction, tout particulièrement la cohorte de personnages qui va graviter autour de lui jusqu’à son trépas. Les puristes et amateurs de vérité historique pourront évidemment tiquer mais force est de reconnaître que cela apporte beaucoup de relief au récit et ne dénature pas la réalité, finalement assez peu fournie, puisque la plupart des biographies ne font qu’évoquer brièvement une fin de vie entre débauche, misère et hôpital. Une approche totalement assumée par Jean Teulé dont le livre est présenté comme un roman et non une biographie.
Le grand mérite de Teulé est d’avoir atteint un statut populaire sans pour autant tomber dans la facilité, en écrivant des thrillers à twists, genre très à la mode ces dernières années. Et c’est pour ça qu’on l’aime, parce qu’il est resté fidèle à lui-même, cet enfant du rock, parce qu’il choisit des personnages hors des conventions, tels des chiens dans un jeu de quille, et qu’en plus il nous délecte par son aptitude à nous faire apprécier la langue française, une langue française vivante, à la fois populaire et stylée, trash et relevée, sans oublier l’humour omniprésent mais aussi la grande tendresse pour ses personnages. On ne sera pas surpris des clins d’œil récurrents à Jean Villon, autre grand poète du Moyen-âge, qui lui aussi a fait l’objet d’un roman, encore plus réussi, du même auteur.
« Ô Verlaine ! » est un très beau voyage dans la face cachée de la poésie (et tellement cachée qu’elle en devient très sombre) et dans le Paris populaire de la fin du XIXe siècle. Merci Jean Teulé de nous offrir ce vibrant hommage à un personnage décidément hors-normes, qui devrait donner envie pour ceux qui le connaissent mal de découvrir ses écrits.