Lu en Juin 2021. Trad. Ph.Jacottet 6/10
Lire l’Iliade comme l’Odyssée aujourd’hui, c’est oser se plonger dans un monde qui n’a que très peu à voir avec le nôtre. Plus encore, puisqu’il s’agit d’un livre, c’est mettre de côté beaucoup de conventions d’écriture qui nous semblent évidentes et fonctionnelles.
Ainsi, lire l’Odyssée dans la traduction de Jacottet en vers libre possède la qualité de se rapprocher de la musicalité de l’œuvre originale. Mais le poète ne peut pas faire de miracle, je lis ce livre dans ma chambre, en très grande partie dans ma tête, entre les bruits de voiture et les notifications du téléphone et je ne connais pas très bien le monde grec puisque je n’y vis pas et je ne partage pas les mêmes valeurs que les personnages ni les mêmes croyances etc. Autant dire que les conditions requises pour comprendre et apprécier pleinement cette œuvre ne sont pas réunies.
Mais au moins, il y avait l’envie de poursuivre ma lecture de Homère ! Après avoir été subjugué par la difficile lisibilité de l’Illiade, mais en lui reconnaissant malgré tout ses qualités de pionnières, j’entamais l’Odyssée plus confiant, les récits de voyage permettent a minima d’être transporté plus facilement dans des univers, que lorsqu’il s’agit d’un récit de guerre stagnant.
Et en effet, la narration, d'office (mais peut être est ce lié à la traduction ?), semble bien plus fluide que dans l'Iliade. Enfin… la Télémachie (les V premiers chants de l’Odyssée) passent surtout parce que c’est le début et que je suis conciliant avec l’auteur, je lui laisse le temps de poser le décor. Avec le recul, on s’ennuie quand même franchement mais ça a le mérite de nous présenter Télémaque et de nous replonger un peu dans l’Iliade, pour les nostalgiques… Mais le fait est que nos éditions pour enfants, lues en 6ème passaient largement sur cette partie, et je comprends pourquoi.
Ce qu’on nous partage dans les éditions pour enfant commence au chant VII, les aventures d’Ulysse ! Ahhh quel bonheur on va se replonger dans l’aventure de Polyphème, de Charybde et Scylla, de Circé (et certainement d’autres...) et l’aventure pourra enfin commencer, des rebondissement jusqu’à la fin du livre !
Comment ça les aventures d’Ulysse ne tiennent pas 1/4 du bouquin ? Remboursé !
Bah oui, il faut pas déconner, dans l’Odyssée ils passent leur temps à chialer, donc des histoires merveilleuses et épiques (où ils chialent quand même faut pas déconner), ça peut pas être le cœur du bouquin…
Bon, je parais très amère, mais j’exagère un peu, effectivement rien que ces quelques chants d’aventures peuvent justifier la lecture de l’Odyssée, c’est quand même la fondation de la quasi totalité de la littérature moderne, tant dans le fond (les aventures – Mention spéciale pour l'interpolation v 225-332-Chant XI, qui décrit les connaissances et les héros de l'Iliade et du monde grec - C'est l'essence même de la construction d'une mythologie) ; que dans la forme (ces analepses à répétition, ces récits enchâssés, le rythme précis qui alterne entre narration, dialogues, digressions, ça pose beaucoup de bases saines pour la littérature).
Je ne sais donc pas si c’est intelligent de s’attarder sur la deuxième moitié soporifique du bouquin. Mais je dois dire que j’ai senti le coup venir quand Ulysse est revenu à Ithaque au chant XII, soit la moitié du bouquin, pour moi il restait que le massacre des prétendants…. Ça et éventuellement chant XXI la scène où Ulysse, en vieillard, tend l'arc, (avec l'arrivée de Télémaque derrière faut bien avouer que c'est épique, et que ça précède tous les bons clichés du cinéma de gladiateur). Le chant XXII qui suit, le massacre des prétendants a été très dérangeant pour moi. Cette violence est terrible et quasiment gratuite, héritière et ancêtre d'une culture de la prédation et de la guerre. C'est bestial, on peut trouver ça beau. Mais je suis persuadé que ceux qui s'en sont servi par la suite l'ont rendu bien plus beau.
Et donc malheureusement, cet évènement est entouré de beaucoup de pleurs et de narration stagnante pas passionnante. On peut analyser ce « choix » (on peut même parler « d’état de fait » tant notre incertitude est grande quant à la transmission originale de l’œuvre), de multiples façons qui le justifient : c’est la fin de l’expiation d’Ulysse, la catharsis du massacre doit être amenée doucement…. Mais la vérité c’est que je me suis ennuyé sec.
Et c’est pas grave ! Je suis content pour ma culture générale et pour affiner mes goûts de savoir que l’Odyssée en entier c’est ardu, c’est déroutant et ça ne se lit pas comme un roman moderne. Ça ne rend pas l’Odyssée inintéressante, au contraire, ça démontre de l’écart qu’il existe dans l’appréhension de la littérature à notre époque et il y a plus de 2000 ans.
En bref, Ulysse ne m'a pas inspiré beaucoup d'affection durant son Odyssée, ou d'admiration, ce gros bourrin sanglant, qui n’est dit « aux mille ruses » que grâce à Athéna.
L’ensemble est très similaire à l'Iliade sans le côté épique des héros mais avec une impression un peu moins prégnante de faire du sur-place.