Sophocle (-495, -406) est le prince des dramaturges grecs. Contemporain de Périclès, il oppose l’autorité par le sang, à la légitimité incontestable, à celle du tyran, fils de ses propres œuvres. Appelé à la royauté par ses triomphes, la destinée du héros est fragile, car elle demeure suspendue à ses succès. Louis XIV règne par le sang, Bonaparte par ses victoires.
Jadis, Œdipe a vaincu le Sphinx et délivré Thèbes de sa malédiction. Tyran et roi, il a épousé Jocaste, veuve de Laïos, et ceint la couronne. Or, la ville subit un nouvel assaut de lèpres. Consultés, les oracles l’attribuent à la présence du meurtrier impuni du feu souverain. Œdipe s’insurge, s’engage à tuer ou chasser le misérable et diligente des enquêtes.
Les augures sont formels, les prophéties se multiplient et se recoupent. Le fils de Laïos et Jocaste devait tuer son père et épouser sa mère. Or, Œdipe se veut fils de Polybe, roi de Corinthe, il a fui son pays après avoir reçu un sombre et similaire présage. Colérique, Œdipe menace, brutalise, violente et tue.
Œdipe est un Grec ancien. Ne nous y trompons pas, il ne lui est pas reproché de tuer ou de coucher avec sa mère. En termes de meurtres ou d’inceste, l’Olympe n’a pas de leçons à recevoir de personne. Il lui suffirait d’assumer ses actes, pour être absous. Son crime est autre. Si les dieux n’apparaissent pas dans Sophocle, ils s’expriment par oracles interposés, et entendent être obéis. Or, non seulement, l’orgueilleux ne les écoute pas, mais son ubris les défie. Œdipe est sourd. Quand l’évidence s’imposera à lui, il sera contraint à se crever les yeux, puis, à s’exiler dans la montagne.