Voyageur impénitent, Caryl Férey est bien connu pour ses romans noirs sur fond de critique sociale, dans des pays encore endoloris par leur passé récent, qu’il s’agisse de colonisation, d’apartheid ou de dictature. Il revient cette fois de la Namibie et de ses immenses réserves d’animaux sauvages, avec un ethno-polar qui s’attaque au trafic d’espèces animales protégées, quatrième commerce illégal le plus lucratif au monde.
L’Okavango est un fleuve endoréique : ses eaux se perdent dans le désert du Kalahari après avoir serpenté entre Angola, Namibie et Botswana. Dans cette région d’Afrique australe, de vastes réserves s’efforcent de protéger une faune menacée par la bêtise et la cupidité humaines, alors que devenues rares à force d’extermination, certaines espèces recherchées pour l’ivoire, la kératine soi-disant aphrodisiaque de leurs cornes, ou la simple possession de trophées, voient leur cote croître toujours plus haut sur les marchés noirs du braconnage et des trafics internationaux. Pour cet « or à sang chaud » se battent de vastes organisations criminelles dotées de puissants moyens de persuasion, entre armes lourdes et corruption. C’est donc à une véritable guerre, opposant d’un côté les rangers et la police, de l’autre un groupuscule commandité par un ancien chef militaire, dit le Scorpion, qu’un premier meurtre commis sur les terres de Wild Bunch, la réserve du riche écolo misanthrope John Latham, va insensiblement mener.
Au beau milieu du conflit, une femme ranger, Solanah Betwase, va devoir faire le tri entre vrais et faux appuis. Non seulement l’argent peut retourner n’importe qui parmi les misérables populations locales, mais les alliés les plus évidents réservent aussi leurs lots de surprises. Ainsi le propriétaire de la réserve, au passé bien trouble, et même le propre époux et supérieur de notre justicière, égaré dans sa jalousie. Entre polar et roman d’aventures distillant nombre d’informations édifiantes sur cette région d’Afrique, sur le triste sort de sa population martyrisée et sur les enjeux qui continuent à décimer une faune pourtant protégée, la tension s’installe dans une ambiance d’emblée sanglante, les plus grands fauves ne s’avérant pas forcément ceux que l’on croit.
Indéniablement addictif, le récit qui, à mesure que l’action s’emballe jusqu’à son dénouement guerrier, abandonne peu à peu les nuances au profit du grand spectacle, de la romance assez convenue et d’une justice pour le moins radicale, se commet sans doute à vouloir trop plaire et divertir pour demeurer totalement convaincant. S’il conjugue suffisamment d’intérêt didactique, d’action cinématographique et de bluette sentimentale pour satisfaire honnêtement un large public, on pourra largement lui préférer le très documenté et bien plus crédible Ivoire de Niels Labuzan, davantage holistique dans son approche de la même thématique.
Aux bémols près de ses aspects les plus racoleurs, Okavango reste un polar instructif et efficace, sur les beautés d’un monde sauvage condamné par l’idiotie et la rapacité des hommes.
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