On doit aux Grecs de l’Antiquité de merveilleuses inventions et aussi, malheureusement, celle des compétitions sportives. Les jeux grecs avaient cependant deux avantages sur nos orgies commerciales et médiatiques : ils entraînaient une trêve dans les guerres presque incessantes entre les cités ; et la poésie ne leur était pas étrangère (les Jeux olympiques modernes ont cependant comporté des concours artistiques jusqu’en 1948).
Il n’était pas rare, en effet, que les athlètes victorieux commandent des poèmes chantés par un chœur et célébrant leur victoire, leur famille et leur cité, et qu’on appelle des épinicies.
Ce volume rassemble les odes de Pindare célébrant des vainqueurs des Jeux olympiques. La musique de Pindare a bien sûr été perdue. Je m’attendais à des poèmes pompeux, d’autant plus que ceux qu’on considérait comme les vainqueurs des course hippiques n’étaient pas les cochers mais les riches et puissants propriétaires des équipages, en l’occurrence des tyrans siciliens. Mais heureusement, Pindare sait limiter la flagornerie et parle à peine des épreuves sportives. Bien plutôt, ses odes évoquent des mythes de façon succincte mais puissante et développent une morale simple mais sage : l’homme doit se souvenir qu’il n’est qu’un mortel, que le bonheur est éphémère, et ne pas outrepasser les limites de sa condition. Surtout, ces odes sont moins centrées sur la célébration de l’athlète que sur l’intensité extrême de la joie au moment de la victoire, que la poésie est capable de renouveler, grâce à des images audacieuses et un style parfois abrupt, et qui seule fait oublier, dans un moment d’exultation, la mort.