Un livre utile est-il nécessairement bon ? On va bouger ce putain de pays actualise le vieux débat sur le rôle politique et social de la littérature. Parisis raconte et résume en 180 pages incendiaires le (premier ?) quinquennat Macron - pardon, Crâmon - vu par un de ses conseillers spéciaux, Quentin Ixe (Ismaël Emelien ? Jonathan Guémas ?). Un retour sur les épisodes précédents salutaire, tant la mémoire contemporaine est courte : qui se souvient de l'ahurissante affaire Benalla ? de la colère sociale des Gilets jaunes ? Bon, d'accord, vous vous en souvenez peut-être. Mais c'est d'utilité publique de rappeler les nombreuses erreurs politiques et historiques de ce quinquennat.
Le roman met en scène l'opposition entre ce conseiller spécial, un ancien-jeune strauss-khanien surnommé Machiavel ou Clausewitz par le décalque savoureux de Marlène Schiappa, ici Greta Chicchi, autrice d'un Manuel sur l'orgasme féminin, et son père, prof de philo deleuzien, homme de lettres qui reproche à son fils et à son nouveau monde son insupportable inculture - rappelant au passage que oui, Macron s'était mis en scène en Président-philosophe... ah... :
C'est un bluffeur, dit mon père. Il la ramène avec son amour de la littérature, mais qui ferait de la politique après avoir lu Proust, Céline, Camus ou même ce filandreux de Char ? La langue oblige à des choix de vie, à une certaine dignité.
Ce livre sera sans doute plus appréciable dans quelques années. Le lecteur assidu d'actualité politique n'y lit aujourd'hui qu'un ressassement de ses souvenirs les plus immédiats. Le plaisir et l'humour sont dans le jeu sur les noms, à essayer de deviner qui est qui. Le ministre de l'Intérieur fan de poker et de boîtes de nuit : Brelan. La ministre de la Culture "exfiltrée d'émissions de farces et attrapes à grandes audiences" : Maminove. L'ancien Président de droite : Carchère. Tout ça est assez drôle et savoureux, et constitue en fond une description idéologique du macronisme assez juste, mais au petit concours de la politique-fiction en année présidentielle, je préfère largement Les derniers jours des fauves de Jérôme Leroy.