« J’ai vu ces jours-ci Oncle Vania – j’ai vu et j’ai pleuré comme une bonne femme […] : c’était comme si on me sciait en deux avec une vieille scie. Les dents vous coupent directement le cœur, et le cœur se serre sous leurs allées et venues, il crie, il se débat. […] Dans le dernier acte de Vania quand le docteur, après une longue pause, parle de la chaleur qu’il doit faire en Afrique – je me suis mis à trembler d’enthousiasme devant votre talent, et à trembler de peur pour les gens, pour notre vie, misérable, incolore. Quel drôle de coup – et comme il est précis – vous avez frappé là ! »
Lettre de Gorki à Tchékhov, novembre 1898.
Piégés par leur environnement, huit personnages au bonheur malaisé tentent de lutter contre l’ennui et la torpeur de leur province russe. Epuisés par l’indifférence du monde alentour, qui continue à tourner malgré leur apathie, ces désespérés d’un genre nouveau s’accrochent aux faibles espoirs d’une vie meilleure, plus riche, moins laborieuse, plus passionnée.
A Ivan Petrovitch Voïnitski – Oncle Vania – il ne reste que la résignation à apprendre. Epris de la mauvaise personne, jaloux du succès relatif de son beau-frère, aspirant à une existence possiblement moins morose, il concèdera volontiers que les jeux sont faits, et qu’il faut simplement attendre que la mort vienne ; pour l’heure, il ne s’agit que de tromper la vie, aux battements réguliers du quotidien, malgré d’imprévisibles palpitations : « [p]erdue, la vie ! J’ai des talents, des dons, du courage… Si j’avais eu une vie normale, j’aurais pu faire un Schopenhauer, un Dostoïevski […]. Maman, je suis désespéré ! ».
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