Jane Austen avec de vrais morceaux de zombies dedans
Je le reconnais, « Orgueil et préjugés », ce n'est pas ma tasse de thé : pour avoir abandonné la lecture du plus célèbre roman de Jane Austen, puis essayé de m'y remettre avant de finalement planquer le bouquin au fin fond de ma bibliothèque en jurant qu'on ne m'y prendra plus, ce classique de la littérature anglaise m'a toujours laissé un amer goût d'ennui mortel. Du coup, quand Seth Grahame-Smith publie en 2009 sa version plus personnelle du roman, je m'étais imaginée un Orgueil et Préjugés plus cucul que jamais, à la sauce XXIème siècle.
Mais pas vraiment.
Le titre de cette version revisitée des aventures de la famille Bennet est assez explicite : « Orgueil et Préjugés et Zombies », inspiré du fameux film d'horreur « La Nuit des morts-vivants » comme l'avoue l'auteur, proposera donc l'histoire des cinq filles de Mr Bennet qui devront jongler entre conflits sentimentaux et massacre d'innommables au katana. La couverture du roman est d'ailleurs retravaillée sur ce thème, puisque les portraits traditionnels des personnages sont zombifiés à grands coups de chair déchirée, de teint blafard et d'yeux sanguinolents. Bref, on va bien s'amuser.
Autant le dire, si l'idée de base m'a fortement emballée, l'enthousiasme n'était plus le même au bout de cent pages. Parce que même ponctué de zombies affamés s'attaquant à des héroïnes maîtrisant les plus grandes techniques d'arts martiaux et malgré les quelques clins d'œil et détails volontairement absurdes qui prêtent à sourire, le roman parodique verse justement un peu trop dans l'orgueil et les préjugés plutôt que du côté des innommables. En clair, si l'idée de zombifier un classique est excellente, la présence des morts-vivants paraît trop vague et peu exploitée, presque anecdotique au bon déroulement de l'histoire... Un peu décevant, donc. Le bouquin a cependant reçu un accueil phénoménal, dépassant le million d'exemplaires vendus et traduit dans plus de vingt langues ; du coup, c'est au tour de « Raison et Sentiments », autre oeuvre de Jane Austen, d'être revisitée à la farfelue avec « Raison et Sentiments et Monstres marins », pas encore traduit dans la langue de Molière aux dernières nouvelles. Tout un programme. J'attends avec impatience une nouvelle version du Candide de Voltaire avec un Pangloss vampirisé, se nourrissant exclusivement de sang frais, ou une Madame Bovary dont le mari Charles se verra attribué d'un mystérieux mal, le transformant en bête sauvage et affamée à chaque apparition de la pleine lune.
Loin de s'essouffler donc, le filon des classiques revisités connaît son petit succès : est d'ailleurs prévue une adaptation cinématographique d'« Orgueil et Préjugés et Zombies ». Je suis confiante, ça peut donner quelque chose de sympa. En espérant que Jane Austen ne s'en retourne pas dans sa tombe...