J'avoue avoir du mal avec cette nouvelle de seulement 37 pages dont je viens de terminer la la lecture. Au-delà de la belle traduction, et du style précieux de la nouvelle, il y a carrément un problème de compréhension pour moi au niveau de l'histoire... :-) Je soupçonne Mishima de jouer ici avec son lecteur.
En 1946, un officier de l'armée se rend à l'opéra voir le Me Butterfly de Puccini. Ce spectacle et la vieillissante actrice qui incarne me Butterfly vont le renvoyer, telle la madeleine de Proust, à son premier contact avec cet opéra, à Milan vingt ans plus tôt, et surtout à cette rencontre avec la belle Hanako dans la loge de l'opéra. Une bague azur scelle le souvenir de cette rencontre et un amour contrarié nait de ce coup de foudre.
Vingt ans plus tard notre officier "retrouve" Hanako dans un bal. Elle porte toujours une bague couleur azur, un objet si puissant pour notre héros qu'il évoque et personnifie en quelque sorte l'océan qui les a séparé, lui et sa belle, comme il a séparé Me Butterfly de son amant Pinkerton. Mais est-ce si simple?
Mishima installe un flou assez extraordinaire autour de l'histoire d'amour qu'il veut nous proposer. Les événements de Milan, cette rencontre passionnée apparemment sont juste à peine esquissés dans le texte puis franchement niés par la jeune femme Hanako (elle qualifie cela de "fiction") et par le héros lui-même (soupir...), Mishima brouille les cartes en faisant de l'histoire une lettre que son héros aurait écrite, et dont le contenu fictif ou non se confond avec la nouvelle. Il va ensuite mélanger les âges, au point que les personnages eux-mêmes n'en sont plus sûr! Enfin des angoisses bien japonaises sur la mort parsème la nouvelle. Le héros, qui peste contre son âge, a perdu sa femme récemment, comme son père a perdu sa femme au moment des événement de Milan. Hanako au lieu d'avoir vieilli lui assure avoir 22 ans (un âge corroboré par le fait que son mari est appelé "le jeune comte".
J'en viens à me demander à qui sont vraiment arrivés les faits de Milan et si Mishima n'est pas en train de nous entraîner dans un tour de passe-passe ...
Et j'en viens à soupçonner que Hanako est peut-être ici la fille de la femme que notre héros a rencontré et à qui il a écrit sa lettre (cette Hanako dit que la bague lui a été léguée par sa mère...) et que loin d'être des retrouvailles, ce sont plutôt des générations qui se croisent.....
Une nouvelle qui propose une réelle difficulté donc, par un brouillage profond des pistes et des marqueurs. Elle reste intéressante par les chassés-croisés entre l'opéra de Puccini et le destin des personnages, tous réunis dans la fonction évocatrice d'attente et de mort de la bague couleur d'azur. Venez donc à la rescousse en donnant votre avis :-)