Paroles
7.9
Paroles

livre de Jacques Prévert (1946)

''Être où ne pas être, c'est peut-être aussi la question''

Ce livre est un petit trésors de poèmes tous très variés. Les textes, très courts, rendent le recueil très accessible et l'ouvrage se lit facilement d'une seule traite.
A première vue on pourrait croire que Prévert ne porte qu'un regard innocent et contemplatif sur le monde, voir naïf (notamment lorsqu'il parle des femmes). On peut cependant remarquer plusieurs thèmes assez sombres qui contrastent fortement avec les aspects de rêveurs et romantiques de Prévert. Il y a notamment une forte critique de toute institution, que ce soit l'éducation scolaire, l'Eglise, le gouvernement, etc... On trouve également une forte critique de la guerre, autant ses conséquences que ses causes. Les thèmes de l'innocence et de la rêverie sont toujours habilement contrasté avec les thèmes de l'oppression, de la guerre, de la souffrance. C'est ce mélange habile entre l'espoir et le désespoir que je trouve remarquable, on est à la fois charmé et dégoûté.
En dehors de ces thèmes il y a une multitude d'autres pensées à découvrir et c'est un véritable plaisir de se laisser surprendre, tantôt par l'humour, tantôt par de forts contrastes ou des jeux de langages très habiles.

C'est toujours assez délicat de parler de parler d'un poème sans l'écorcher, je vous conseille donc de lire le recueil et de vous laisser embarquer par les Paroles de Prévert.

Voici un extrait du livre, un poème en fait, qui illustre bien l'état d'esprit de ce recueil.

''L'orgue de barbarie''

Moi le joue du piano
disait l'un
moi le joue du violon
disait l'autre
moi de la harpe moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou...moi de la flûte
et moi de la crécelle
Et les uns les autres parlaient parlaient
parlaient de ce qu'ils jouaient.
On n'entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait
mais dans un coin un homme se taisait:
"et de quel instrument jouez-vous monsieur
qui vous taisez et qui ne dites rien?"
lui demandèrent les musiciens.
"Moi je joue de l'orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi"
dit l'homme qui jusqu'ici
n'avait absolument rien dit
et puis il s'avança le couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l'orgue de Barbarie
et sa musique était si vraie
si vivante et si jolie
que la petite fille du maître de la maison
sortit de dessous le piano
où elle était couchée endormie par ennui
et elle dit:
Moi je jouais au cerceau
à la balle au chasseur
je jouais à la marelle
je jouais avec un seau
je jouais avec une pelle
je jouais au papa et à la maman
je jouais à chat perché
je jouais avec mes poupées
je jouais avec une ombrelle
je jouais avec mon petit frère
avec ma petite sœur
je jouais au gendarme
et au voleur
mais c'est fini fini fini
je veux jouer à l'assassin
je veux jouer de l'orgue de Barbarie."
Et l'homme prit la petite fille para la main
et ils s'en allèrent dans les villes
dans les maisons dams les jardins
et puis ils tuèrent le plus de monde possible
après quoi ils se marièrent
et ils eurent beaucoup d'enfants.
Mais
l'aîné apprit le piano
le second le violon
le troisième la harpe
le quatrième la crécelle
le cinquième le violoncelle
et puis ils se mirent à parler parler
parler parler parler
on n'entendit plus la musique
et tout fut à recommencer!"


Jacques Prévert - Paroles
Aspirine
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le 10 mai 2011

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