Jos Le Guern est un marin; un ancien marin à poisse; un très bon marin dont le bateau a coulé, tragiquement, parce que son armateur ne voulait pas y faire de réparations; deux hommes y ont péri et Jos Le Guern a failli en tuer un troisième, à mains nues, l'armateur; prison, fini, coulé, cassé Jos Le Guern, comme son bateau; alors, il est monté à Paris, et un soir de cuite, s'est retrouvé dans les vapeurs d'alcool au coude à coude avec un fantôme; celui de son arrière arrière grand père; chez les Bretons, c'est comme ça, les soirs de cuite, les aïeux comprennent que ça ne tourne pas rond chez vous, et ils viennent vous tirer par les pieds; bref, au terme d'un conciliabule aviné et assez laborieux, l'ancêtre finit par fixer dans la tête de Jos Le Guern une idée = se faire "crieur public" ; après une sorte de résistance, Jos tente le coup et ça marche;
Seulement, voilà, parmi les nouvelles qu'il crie, les petites annonces à prix fixe, la météo marine, et le calendrier des naufrages historiques, se glissent d'étranges messages; oh, Jos a sa morale, il ne dit pas à la criée n'importe quoi; il évalue, les trucs tordus, à la poubelle; là, cependant, le prix est quadruplé, et, ma foi, même si les textes sont étranges, il est difficile de leur trouver un caractère franchement condamnable;
Alors, il les lit;
Cependant qu'un habitant de la petite place publique, intrigué par ces messages qui lui paraissent recopiés de textes anciens, prend l'habitude de les noter scrupuleusement sur un calepin;
Pas très très loin, on installe les locaux d'un nouveau commissariat, une brigade criminelle; avec à sa tête le commissaire Adamsberg; un type doué aux succès qui ont fait sa réputation, en dépit d'un caractère de "pelleteux de nuages" et d'un comportement dont la nonchalance et la distraction font criser son adjoint Danglard, malgré l'attachement qu'il lui voue;
Le commissariat est en travaux, la brigade s'installe, Adamsberg incapable de retenir le nom de ses hommes les note soigneusement sur son petit carnet, avec un descriptif physique, histoire de pouvoir appeler par son nom le lieutenant à qui il parle; Danglard, lui, installe les ordinateurs; banalité......
Et puis, une brave dame pousse la porte du commissariat avec timidité;
Sur le point d'être refluée par les policiers, un fragment de ce qu'elle raconte retient l'attention du commissaire qui passe par là;
Juste une histoire de "tag" sur des portes; peu de choses, mais .......Elle dessine alors de façon bien ressemblante un grand 4 à l'envers, avec une jambe barrée de deux traits, et les initiales CLT, notées en bas, comme une signature;
Sous les yeux excédés de Danglard, Adamsberg reste songeur, puis part faire photographier ces étranges chiffres;
C'est le début d'une enquête étrange, drôle et tragique, inattendue, passionnante; d'étranges personnages tendres truculents, décavés croisent notre route; un cabaretier normand, un ancien taulard érudit qui fait de la dentelle, un vendeur de skate board simple d'esprit, des historiens érudits et aides -ménagères durant la journée, une vieille grand mère déroutante, et bien sûr des victimes, étranglées et, étrangement noircies au charbon de bois;
Si vous n'avez jamais lu un roman policier de Fred Vargas, commencez par celui-ci, il en vaut vraiment la peine;