Pastorale américaine par Zbah
Plongée psychologique au coeur d'une famille juive des environs de NY, qui va servir de prétexte à un dynamitage en règle du rêve américain.
Prenons un blond, beau, brillant, sportif, américain, entrepreneur, conciliant, juif, marié a une ex miss du coin, belle, intelligente, catholique - tout leur réussit, une vie comme l'Amérique en rêve, réussite libérale, vie culturelle, maison au grand air - voilà pour le paysage idyllique peu subtil que va choisir Roth pour y insérer son vitriol, et faire dérailler le train-train du bonheur.Car la fille de cette union des deux symboles d'une Amérique en marche, ange jusqu'à 12 ans, deviendra, sous la plume de Roth, le démon incarné, démon qui sert d'exutoire à tout, tout les malheurs, déviances, perversions de l'Amérique qui vont se réincarner sous ses traits - elle s'appellera Merry ( - joyeux (sic) ) pour la blague, grand moment d'ironie.
Comment notre cher Blond (surnommé de façon irritante "le suédois") épris de ses convenances, toujours soucieux de paraitre bien, fils de sa tradition juive incarnée par le père"c'etait-le-bon-temps-c'était-mieux-avant", va-t-il gérer ce raz-de-marée de la nouvelle Amérique et de tous ces travers qui vont s'immiscer dans sa vie bien huilée le soir d'un attentat meurtrier perpétré froidement par sa progéniture ? C'est le sujet du bouquin, qui en creux et à coup de digressions souvent pénibles, nous dévoile une vision paranoïaque totale, où le discours pourrait se résumer en : quoique tu fasses, qu'importe comment tu te comportes, tu peux engendrer un monstre, car la société est monstrueuse et qu'elle avilie, de toutes façons, tout.
Et donc en sous sous creux on peut entendre une petite voix qui nous siffle et susurre : la religion c'est important, ce sont des repères, hein. (un curieux chapitre sous forme de dialogue vers la fin viendra faire émerger un peu cette thématique de façon détournée).
Bref il y a comme un parfum un peu spécial de victimisation face à une agression globale, non réellement définie, sous-jacente à l'ensemble de l'ouvrage, mais présente.
Pour la forme c'est un peu brouillon, jamais lu d'autres Roth, je ne peux comparer, mais le récit est construit un peu à la "vas-y comme je te pousses", grosso modo ça ressemble à une écriture enflammée qui semble suivre les idées de l'auteur comme elle lui viennent - ce qui donne des moments plutôt brillants, de nombreux autres moments franchement lourdingues et quelques rares autres d'un grotesque complètement hors de propos. (Tous les épisodes avec Rita Cohen). S'ajoute à ça, une façon de parler du sexe un peu névrotique avec un style de langage qui déraille (des éclairs de vulgarité disproportionnée), et quelques rapprochements douteux qui font dire que l'auteur lui-même doit avoir quelques soucis mal digérés.
Alors pour résumer tout ce fatras(car s'en est un), une thématique intéressante, des personnages forts, de bonnes descriptions psychologiques, des portraits marquants, mais un point de départ quand même caricatural, un discours sous-jacent pas vraiment clair, qui semble cacher une vision perverse et paranoïaque servi par des moments complètement grotesques qui décrédibilisent parfois totalement l'ensemble.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lus en 2013