L’empereur Marc-Aurèle prennait des notes pour améliorer sa vie, dessiner sa méditation, dresser pêle-mêle sa production psychique sous forme de cahier de brouillon où des pensées rencontrent des aphorismes ou dialogues lapidaires. Ce brouillon a été dévoilé au peuple et c’est ainsi que sont nées les « Pensées pour moi-même ».
Forcémment, le lecteur a du mal à trouver un fil conducteur parli cet assemblage, et les raisonnements pertinents sont parfois enfouis sous des banalités amoncelées. Il faut fouiller.
Bon, c’est du stoïcisme, rien de bien nouveau : on doit accepter la mort, combattre la colère, vivre frugalement, ne pas se soucier de ce qui ne dépend pas de nous, nous réjouir de tout ce qui nous arrive, etc.
À ces assertions simplistes et guimauves, je réponds toujours d’essayer d’appliquer tout ça dans la vraie vie, de résumer à « éphémère car tout est éphémère donc oubliable, y compris le souvenir » la perte d’un enfant, de « supprimer le tort » causé par des gens qui vous ont brûlé au troisième degré, parce que pour oublier le tort, il suffit de le supprimer, de se retenir de copuler alors qu’une gourgandine consentante vous invite à jouer de la serre-croupière parce qu’il faut « éteindre son désir » pour se maîtriser et être heureux, etc.
Tout n’est pas à jeter dans le stoïcisme, et j’approuve cette idée directrice qui est de ne pas chouiner, d’accepter certaines choses frsutrantes, de ne pas se laisser corrompre l’esprit par des choses superflues, mais il y a des limites. On n’irait pas dire à un survivant de génocide d’être heureux et d’accepter son sort.
La finalité du stoïcisme, c’est l’ataraxie, de se séparer des troubIes de l’âme pour être heureux. La démarche est louable, mais ne soyons pas naïfs. Je ne bouderai pas cependant le plaisir ressenti (même si Marc-Aurèle invite à ne pas regretter d’être passé à côté d’un plaisir) à la lecture de certaines phrases à la portée puissante, frappante. Mais si ce genre de phrases nous marquent, c’est que l’on est pas si mal lotis, on est heureux de ne pas avoir à nous les appliquer à nous-même.
Comme disait Schopenhauer : « La vie oscille de droite à gauche, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui. »