Le dernier roman de Jane Austen, publié à titre posthume.
Mise en scène de trois sœurs d'un milieu aristocratique, filles de Sir Walter, qui pour pouvoir continuer à vivre avec le même train de vie est obligé de louer son manoir et résider à Bath, la célèbre station thermale…
Bon, d'accord, mais le problème n'est pas là. Nous sommes au début du roman et Jane Austen, après avoir présenté les trois sœurs Marie, Anna et Elisabeth a le douloureux souci de choisir quelle sera son héroïne … dont le souci très austénien est de faire un bon mariage.
Marie, la cadette, est hors course car déjà mariée et affublée de deux marmots (insupportables et mal élevés). Reste à choisir entre Anna (27 ans) ou l'ainée Elisabeth, beaucoup plus belle.
Et il y a une phrase anodine (page 27 de mon édition) que je livre hors contexte :
- Il n'y a presque point de défaut physique, dit Anna, que des manières agréables ne puissent faire oublier.
- Je pense très différemment, dit Elisabeth d'un ton sec. Des manières agréables peuvent rehausser de beaux traits mais ne peuvent en changer de vulgaires.
Et voilà, l'affaire est pliée. Le lecteur peut désormais être certain que ce sera Anna, la préférée de Jane Austen.
J'ai un peu triché car connaissant un peu le loustic (Jane Austen), bien d'autres "petits" indices pouvaient dévoiler les préférences de Austen.
Sans vouloir entrer dans le détail du roman, le sujet évoque la rencontre entre Anna et un homme, Wenworth, capitaine dans la Royal Navy, revenu des guerres napoléoniennes. Huit ans auparavant, Anna et Wentworth s'étaient connus et s'étaient promis. La famille d'Anna ainsi que sa meilleure amie s'étaient opposées au mariage et avaient "persuadé" Anna qu'elle devait rompre. Amour-propre et orgueil de part et d'autre avaient fait le reste avec cependant une blessure enfouie au plus profond d'Anna qu'elle cache soigneusement.
Le talent de Jane Austen est, comme d'autres romancières anglaises, les Brontë, par exemple, de savoir conter de belles histoires avec les rebondissements aux bons endroits de façon à maintenir le lecteur en éveil quitte à, parfois, le scandaliser avec les réactions des uns ou des autres. Chez Austen, on est dans un monde fondamentalement malveillant et corseté avec quelques personnes bienveillantes et positives.
Chaque fois que je lis un livre d'Austen, je me fais toujours la réflexion "comment ça se fait que j'aime ces romans qui peuvent donner l'impression d'être un peu à l'eau de rose ?" Je ne trouve pas de réponse satisfaisante sinon pour dire qu'il y a certainement une part liée à la façon de conter, de créer de l'empathie sur les héros et héroïne positifs du roman auquel le lecteur s'attache et n'hésite pas à prendre parti. Une certaine malice et intelligence de la part de la romancière. Un second degré certain qui pousse le lecteur à sourire régulièrement, à voir venir…
Mais il y a aussi une part liée aux milieux et contextes décrits qui sont assez extraordinaires, hors sol, inimaginables à notre époque : les gens vivent dans un milieu raffiné, ne travaillent pas (au sens actuel), sont instruits ou pas, intelligents ou sots, cherchent toujours à assurer leurs arrières financiers. Et ils passent leur temps à se rendre visite, à se jauger, se jalouser, s'admirer, calculer … Certains ont dû cependant travailler à un moment donné pour devenir riches et considérés. Mais au moment du roman, les affaires sont toujours faites. Ce n'est jamais le sujet.
"Persuasion" est un court roman comparé aux autres d'Austen. Les descriptions sont parfois un peu elliptiques. Le roman est, bien entendu, achevé mais est-ce qu'il aurait dû être un peu plus étoffé s'il n'avait pas été interrompu par le décès de l'auteure ?
En tous cas, les personnages (Anna, Wentworth) sont beaux et on quitte à regret le roman : la marque du bon roman.