Un bon Nothomb, mais pas inoubliable.
Nous connaissons bien la passion d'Amélie Nothomb pour le champagne. Après la découverte du goût et de l'ivresse, voilà qu'elle se met en quête d'un « compagnon ou d'une compagne de beuverie ». C'est cette quête, puis les bonheurs et les méandres de l'amitié, que la romancière raconte dans son vingt-troisième roman publié.
On est d'abord heureux (je suis) de retrouver son style inimitable : son art des dialogues, qui ne manquent jamais de mordant, son vocabulaire courant et soutenu à la fois, son sens de la formulation, enlevé et enjoué ; le tout saupoudré d'un peu plus de maturité que dans ses premiers livres, fait étonnant pour un roman que l'on pourrait qualifier de jeunes.
On est ensuite soulagé (je suis) d'être embarqué sans difficulté dans un nouvel épisode de sa vie, dédié au champagne et aux livres, mais aussi un peu au ski, à Londres et au communisme.
On est d'ailleurs agréablement surpris (je suis) par la nouveauté de faits racontés et de géographie parcourue. Amélie ne se cantonne plus au champagne et au chocolat, ni à la France et l'Asie.
D'autres remarqueront que, si ce n'est pas la première fois qu'elle parle d'une personne existante, celle-ci est cette fois connue. Pétronille est évidemment un prénom de plus à ajouter à la liste farfelue des personnages d'Amélie Nothomb, mais cette jeune lectrice, devenue amie et romancière, « ce glorieux soldat qui n'avait pas cherché à se protéger et qui, revenu amoché et victorieux du précédent combat, remontait au front de la littérature » (page 155), est une jeune romancière très appréciée d'Amélie. Elle a souvent défendu ses romans, dont vous trouverez les titres et les arguments de ventes nothombiens dans Pétronille !
D'aucuns pourront être déroutés par la facilité et le cynisme avec lesquels la romancière parle de son métier. Comme dans Une forme de vie (article ici), elle n'hésite pas à égratigner les conventions et les sages croyances du commun des mortels quant aux séances de dédicaces, aux lecteurs, aux auteurs, aux salons, etc. Elle n'hésite pas non plus à se moquer d'elle-même.
« Pétronille ne m'avait jamais aperçue dans ma tenue d'écriture (un genre de pyjama antinucléaire japonais) et je résolus de ne pas la traumatiser. Je traversai la chambre sur la pointe des pieds en direction de la salle de bains quand j'entendis :
- C'est quoi ce truc ?
- C'est moi.
Silence, suivi de :
- D'accord. C'est beaucoup plus grave que prévu.
- Je vais me changer, si vous voulez.
- Non, non. Si j'allume la lumière, ça prend feu ?
- Je vous en prie.
Elle s'exécuta et me regarda derechef.
- Ah, la couleur vaut le détour, elle aussi. Vous appelez comment ce coloris ?
- Kaki.
- Non. Kaki, c'est vert, et vous, vous êtes orange foncé.
- Justement, couleur du fruit nippon, le kaki. C'est mon costume d'écriture.
- Et ça donne de bons résultats ?
- Je vous laisse juge. » pages 74-75
Un Nothomb intéressant, agréable, (un peu) novateur, plus mature, toujours drôle et enlevé, c'est pas mal. Pétronille n'est pas inoubliable, mais c'est déjà ça de pris.
Critique entière avec plus d'extraits sur le blog !