Lu en Juin 2020. 9/10
Ça y est, j'ai découvert Racine en bonne et due forme. Et c'est une rencontre qui s'est bien passée , sans accroc, avec un plaisir avoué qui n'était pas gagné d'avance.
En effet, dans ma tête ce vieux Jean c'était le mec un peu relou du trio légendaire du classicisme. Celui qui rigole jamais, celui qui ne met en scène que des vieux personnages dans d'antiques contextes. Racine c'était pour moi le classicisme au sens le plus pur mais le moins accueillant du terme.
Et oui en effet Racine est probablement l'auteur le plus difficile à aborder des trois. En effet il s'inspire souvent de pièces antiques (ici Hippolyte d'Euripide et Phèdre de Sénèque) ce qui oblige a une réappropriation de cette connaissance commune à l'époque de Jean qu'est la mythologie romaine (et grecque). Et enfin oui c'est très sobre, ça rigole pas des masses et c'est bien la pureté classique à son paroxysme.
Mais tout cela n'a finalement rien de mauvais. Au contraire, j'ai été impressionné dès le premier acte par la virtuosité des alexandrins mais aussi par la mise en place de l'intrigue qui a tout d'un bon thriller.
J'avais bien en tête le fait que Phèdre c'était la belle-mère qui voulait se taper son beau fils mais tout cela est amené avec beaucoup de classe, de sublime et surtout sans le grotesque qui m'a fait abhorrer Hernani ou le romantisme (de ce que j'en ai étudié).
S'ensuit un twist qui n'a rien à envier à nos polar actuels avec un retour de Thésée que personnellement je n'attendais pas (c'est dire si je connais peu Racine, habituellement on connaît déjà l'histoire de tous les classiques comme celui-ci).
Mon admiration s'éteindra un peu dans les deux derniers actes qui sont la représentation du syndrome janséniste qui touche Racine. Le dénouement est assez lisse pour coller à la bienséance. Les mauvais sont punis (sauf Thésée – héros) et Hippolyte est au croisement des passions dévastatrices des Dieux et des Hommes.
Cela reste une très belle histoire malgré tout, tragique au possible, parfaitement structurée et qui respecte donc l'idée que je m'en faisais de « modèle du genre ». J'espère qu'on étudiera cette œuvre en hypokhâgne l'année prochaine car elle doit être extrêmement riche à analyser.
En particulier, ça semble flagrant à quelle point chaque personnage à son utilité et suit un schéma narratif bien défini (aussi peu importante soit sa présence sur scène).
Les principales difficultés que j'ai rencontré durant la lecture c'est le manque d'images précises, une description souvent minimalistes et des métaphores et comparaisons difficiles à saisir qui me font comprendre pourquoi je n'ai pas étudié cette œuvre au lycée (à raison).
Je m'attaquerai bientôt à Bérénice écrit quelques année avant. Je n'ai plus d’appréhension mais des attentes assez élevée...
« Tout m'afflige, et me nuit, et conspire à me nuire » (Phèdre – I, 3 - v.161)
« C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé ; J'ai voulu te paraître odieuse, inhumaine ; Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine. De quoi m'ont profité mes inutiles soins ? » (Phèdre – II, 5 – v. 685-687)
« Moi régner ! Moi, ranger un État sous ma loi, Quand ma faible raison ne règne plus sur moi ! Lorsque j'ai de mes sens abandonné l'empire ! Quand sous un joug honteux à peine je respire ! » (Phèdre – II, 6 – v.759-762)