Fan de la série avec Bruno Cremer, j'ai fini par trouver trois Maigret dans une brocante (La première enquête de Maigret, Maigret hésite et Maigret a peur), les avaler en 48h et décider de reprendre la série depuis le début. J'ai donc mis la main sur le premier de la série, Pietr le Letton (écrit en 1929, publié en 1930). On y trouve déjà des traits caractéristiques des volumes ultérieurs : la bonne chère, le tempérament à la fois flegmatique et bonhomme du commissaire, la peinture haute en couleurs des bas-fonds parisiens, des personnages gouailleurs, la psychologie fine des personnages et l'articulation subtile entre celle-ci et le tissu social.
En d'autres points, des traits qui s'estomperont : Simenon allait alors plus facilement vers le drame, le spectaculaire — un peu maladroitement aussi, parfois ; un personnage principal pas tout à fait dégrossi, qui ne porte pas encore la patine du Maigret que l'on connaît ensuite. L'intrigue est sympathique, quoiqu'elle repose sur un ressort peu vraisemblable (et là encore je crois que Simenon s'en éloigne ensuite).
Cependant, le livre a très mal vieilli à cause de l'antisémitisme extrêmement violent qui n'est pas seulement un relent lointain qu'on pourrait sentir dans quelques formules (ce qui ne serait pas davantage acceptable) mais un véritable instrument de construction de l'histoire et de caractérisation des personnages. Aujourd'hui, le roman me paraît illisible. Sans l'antisémitisme, je lui donnais un 6 ou un 7. Vivement que j'arrive à la partie de la série écrite après 1945…