Michael Crichton a bien fait ses devoirs avant de se lancer dans le récit haut en couleurs de la quête intrépide du capitaine Hunter, corsaire à Port-Royal, et de son équipage lancé à l'assaut de Matanceros et de son or. Rien ne manque au tableau pour se projeter dans l'époque tumultueuse où corsaires, pirates et colonies britanniques et espagnoles s'affrontaient aux abords du Nouveau Monde : trésor, tempêtes, complots, cannibales et monstres marins. Ce "Pirates" tend vers un portrait quasi exhaustif de ces flibustiers domptant les océans dans un monde affranchit de ses frontières anciennes où les mythes marins vivent leurs dernières heures.
Il est d'autant plus facile de s'imprégner de l'ambiance sulfureuse de Port-Royal si l'on en est passé par le Pirates des Caraïbes de Verbinski auparavant. A ceci près qu'ici, les hommes ne font pas de vieux os : sur terre ou en haute mer, ils tombent comme des mouches, sacrifiés parfois sauvagement sur l'autel de l'appât du gain. Un monde avec ses codes, sur lesquels Crichton lève un coin de voile, en n'omettant pas cependant de se concentrer sur son cœur de métier : le récit d'aventures. Trépidant, mené à un rythme soutenu jusqu'à un dernier tiers implacable, il se lit sans effort, porté par le bruit lointain des vagues et la caresse d'un soleil de fin d'été. Une galerie de personnages étonnants, dans un traitement trop disparate cependant, donne du relief à ces péripéties de papier.
Un léger bémol sur la résolution trop brutale de plusieurs épisodes chaotiques et la conclusion en forme d'épilogue biographique un peu amer.
Un plaisir sans équivoque qui se lit comme un script : les images affluent avec aisance, prélude à une possible adaptation cinématographique... sans doute redondante à ce moment-la.