Poèmes (1887-1892) par Tempuslegendae
Au risque de faire crier à la banalité, je crois opportun de donner une place importante et méritée à de grands poètes délaissés par la mode. Je pense en particulier à Henri de RÉGNIER, un artiste rare, qui sut, par le truchement des mots, des miroirs, des échos, des reflets, s’aider de la poésie pour rétablir l’ordre secret qui règne dans le dédale des choses et des sentiments.
«Si j’ai parlé
De mon amour, c’est à l’eau lente
Qui m’écoute quand je me penche
Sur elle; si j’ai parlé
De mon amour, c’est au vent
Qui rit et chuchote entre les branches;
Si j’ai parlé de mon amour, c’est à l’oiseau
Qui passe et chante
Avec le vent;
Si j’ai parlé
C’est à l’écho.
Si j’ai aimé de grand amour,
Triste ou joyeux,
Ce sont tes yeux;
Si j’ai aimé de grand amour,
Ce fut ta bouche grave et douce,
Ce fut ta bouche;
Si j’ai aimé de grand amour,
Ce furent ta chair tiède et tes mains fraîches,
Et c’est ton ombre que je cherche.»
Dans l’œuvre de RÉGNIER, beaucoup ne voient plus, aujourd’hui, que l’expression d’un symbolisme épuisé, d’une mélancolie début XXème dépourvue d’intérêt. Pourtant, croyez-moi, le poète mérite mieux que cette caricature réductrice, ne serait-ce que par l’utilisation qu’il sut faire des thèmes redécouverts de l’art baroque, et comme ici, celui de l’amour.