Le livre s’intéresse à quatre poètes, Nerval, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud. Je n’ai pas lu le chapitre consacré à Nerval, et n’ai presque aucun souvenir de celui sur Verlaine, lu il y a quinze ans.

Jean-Pierre Richard propose une sorte de phénoménologie poétique cherchant à montrer, à travers les écrits de ces poètes, leur vision du monde et la façon dont la poésie parvient à la retranscrire, à travers leur appréhension de la profondeur (y a-t-il quelque chose, une essence, à rechercher derrière la surface des choses ? comment combler la distance entre les choses, les êtres ? etc.)

Cette démarche repose sur une analyse très minutieuse des images récurrentes et une grande subtilité dans l’étude du vocabulaire : par exemple, Richard distingue, au sujet de Baudelaire, éclat et splendeur, celui-ci trop violent, celle-là qui laisse percevoir une profondeur cachée mais voilée.

Ainsi, Richard souligne les obsessions de Baudelaire pour la profondeur, l’approfondissement qui creuse les choses, mais en même temps la hantise du gouffre, de l’abîme qui sépare les êtres et les choses, et son goût de la ligne sinueuse ou des parfums (émanation issue de la profondeur des choses) qui les réunissent. Mais il montre aussi l’unité entre la poésie de Baudelaire et ses théories sur l’art, notamment l’idée que les correspondances bien connues ne sont pas seulement plaisirs raffinés d’esthète, mais une façon de donner une unité au monde, de faire résonner une harmonie universelle.

De Rimbaud, Ricard s’intéresse surtout aux Illuminations, et montre peu d’intérêt pour les Poésies, car selon lui elles n’ont pas encore une forme aboutie, et le recours fréquent à la scatologie, à la vulgarité, est une façon pour Rimbaud d’invalider ses propres illuminations, de s’empêcher d’être tout à fait Voyant. Cependant, Ricard montre aussi une profonde unité dans son œuvre, fondée sur l’idée, un peu adolescente, de jaillissement, d’élan spontané hors de soi qui fait du Je un Autre. L’on comprend dès lors l’intérêt de Rimbaud pour la route (ligne droite) et les métamorphoses. Mais comment appréhender une réalité devenue autre ? Richard, après avoir affirmé la réussite de Baudelaire, conclut à l’échec de Rimbaud à « changer le monde », qui explique sa renonciation à la poésie, si ce n’est dans la poésie même de Rimbaud, qui en fait le premier poète moderne.

Ces essais ont été pour moi une lecture éclairante ; ils m’ont semblé mettre des mots sur certaines de mes propres impressions de lecture, tout en fournissant une analyse stylistique rigoureuse permettant de les justifier.

C’est cependant à mon avis une lecture exigeante, qui nécessite une bonne connaissance préalable de l’œuvre de ces poètes, d’autant plus que les références aux poèmes et les notes de bas de page sont imprécises et renvoient à des éditions anciennes.

Ascyltus
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le 13 août 2023

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