Lu en Juillet 2020. 8,5/10
Ah Rimbaud... Qui n'a jamais admiré cette jeunesse insouciante et géniale. Qui n'a jamais souri à ces mots :
Elle a mis sur l' mur
Au dessus du berceau
Une photo d'Arthur
Rimbaud
Avec ses cheveux en brosse
Elle trouve qu'il est beau
Dans la chambre du gosse
Bravo
(En Cloque, Renaud)
Et c'est vrai qu'il est beau notre Arthur, sa poésie aussi pardi !
La variété de son style est proprement extraordinaire. Poésie engagée, pastiche, poésie savante, poésie grivoise, poésie des sens et autre poésie de l'art.
D'ailleurs je me rends compte à quel point il a dû être une source d'inspiration pour Renaud car je retrouve dans ses chansons aux thématiques triviales une élégance qu'on retrouve dans certains des poèmes de ce recueil.
Oraison du soir par exemple :
Puis, quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l'âcre besoin :
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l'assentiment des grands héliotropes
Et de l'autre côté on a le droit au superbes mais néanmoins classiques dans la forme Les Étrennes des Orphelins et surtout Ma bohème :
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel. Muse ! Et j'étais ton féal ;
Oh ! Là ! Là ! Que d'amours splendides que j'ai rêvé !
Je pense aussi qu'une partie de l'attrait général pour ce poète c'est l'admiration (et encore le mot est faible) qu'on a pour un gamin de 15 à 17ans qui est capable d'en dire autant, d'autant de façon, avec autant de mots et autant de recul.
Pourtant, et c'est bien normal, la poésie Rimbaldienne est bien plus naïve que celle de Baudelaire, après tout « On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans » (Roman).
Il n'a pas eu le temps de composer lui même son recueil, voire même il ne voulait pas : « L'art pour l'art » comme on dit.
Si bien qu'il est difficile de s'imprégner d'une ambiance globale (contrairement aux Fleurs du Mal). Chaque poème demande de redevenir neutre puisqu'il peut nous parler de tout autre chose que le précédent.
Je pense avoir partagé l'essentiel de mon ressenti. Ce receuil se prête particulièrement à l'oralité (en témoigne les nombreuses reprises de Férré) ce qui donne encore une autre dimension à la simple lecture sur papier. Je conclus sur quelques Voyelles synésthésiques:
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !