S’inspirant de la légende familiale construite autour de l’histoire de son arrière-grand-mère, Mick Kitson laisse libre cours à son imagination pour en faire le personnage central d’un récit à la croisée du roman historique, social et d’aventures, en tout point évocateur des grandes heures feuilletonesques du XIXe siècle.
Au pays de Galles à cette époque, la misère pousse une famille gitane à vendre l’aînée des filles pour espérer sauver les autres enfants. La petite Anny est recueillie par le champion de boxe à mains nues Bill Perry, une force de la nature toujours imbibée de bière mais au coeur aussi grand que son impressionnante carcasse, qui la considère bientôt comme sa fille. Entre le pub de Bill et les foires où, grâce à des matches de boxe illégaux, le colosse gagne de quoi faire patienter les créanciers, l’enfant grandit dans une petite ville de la région de Birmingham, en plein coeur de la révolution industrielle.
Dans une atmosphère à la Dickens, autant assourdie qu’empuantie par le tintamarre, les fumées et les suies des forges et des usines à clous, Anny découvre les misérables et laborieuses conditions de la vie ouvrière, l’impuissance des grèves menant tout droit aux redoutées « maisons de travail » pour indigents, en même temps que la toute-puissance des Lords venus s’encanailler autour des rings où coulent le sang et l’argent des paris. Comprenant très vite que « si t’es pas capable d’apprendre à te battre, tu peux pas apprendre à vivre », l’adolescente n’aura de cesse de suivre les pas de Bill en se mettant elle aussi à la boxe. Mais, alliée à sa pugnacité naturelle et à sa maîtrise de l’art du pugilat, c’est sa fréquentation de l’école des pauvres, ouverte à l’initiative des deux filles du révérend Warren, qui achèvera de l’armer pour sa conquête d'une toute autre existence.
Bagarres, mais aussi tendresse paternelle et filiale, jalonnent de leurs péripéties un récit rythmé, vantant l’amitié, la ténacité et le courage, en particulier chez les femmes, à l’honneur dans ce livre. Et même si quelque peu idéaliste dans l’ascension sociale de cette petite gitane illettrée si rapidement capable d’effacer son dialecte du Black Country et d’apprécier la poésie de Burns, Keats et Wordsworth, l’histoire nous emporte par la force de ses personnages et de leur combat pour leur survie, si puissamment et lyriquement incarnée dans cette boxe autant brutale que chorégraphique.
Un très beau roman donc, que ce Poids plume épique et enchanteur, où l’art du pugilat cache une fort jolie métaphore de l’art de prendre en main sa vie, surtout lorsqu’on fait partie des plus faibles - pauvres, manouches, femmes ou enfants…
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