Portrait d'après blessure par Vespertine
Deux collègues, un homme et une femme, prennent le métro pour aller déjeuner. Une explosion se produit à l'arrêt Odéon. Ils en sortiront vivants mais meurtris dans leur chair et dans leur dignité. C'est une photographie des deux victimes, prise lors de cet événement, qui leur causera plus de préjudices que la déflagration.
Par le biais d'une narration à deux voix, Olivier et Héloïse nous relatent chacun de leur côté leur convalescence et leur ressenti post-traumatique. La découverte de leur portrait dans un magazine à scandale est comme une seconde bombe. Une capture de leur image à leur insu alors qu'ils étaient dans une situation de détresse, interprétée par les uns, jugée par les autres. Un portrait qui devient vite viral sur la toile et une intimité à la vue de milliers de voyeurs. Il s'amorce alors un combat juridique, déterminés à protéger leur droit à l'image, et un combat intime. Cette image mettra au jour une autre nature de leur relation, un lien invisible qui les unissait est révélé, les laissant face à eux-mêmes et à leurs doutes. L'auteure fait parler ses personnages l'un après l'autre dans un style d'écriture épuré. Elle exprime la fragilité des corps et des sentiments tout en pudeur et délicatesse, avec des passages dotés d'un certain lyrisme.
Une troisième voix s'ajoute au récit, celle d'anonymes qui commentent des photographies emblématiques du XXe siècle pour les besoins d'une émission, « Histoire d'images », dont Olivier l'historien et Héloïse la documentaliste s'occupaient. C'est aussi la nôtre de voix qui est en jeu. Ces témoignages interpellent le lecteur et le placent lui aussi face à ces clichés. « Portrait d'après blessure » nous amène à porter un autre regard sur le photo-reportage, des photographies qu'on trouve dans les magazines, les galeries d'art, à cause de la beauté et de la force de leur composition. Elles sont censées montrer et témoigner de la réalité mais elles la romantisent aussi, au point d'en oublier les individus représentés et leurs vécus. Le spectateur est plus admiratif qu'empathique. Le roman illustre bien la place de l'image dans la société de l'information d'aujourd'hui , des références justes à la sur-médiatisation, à l'internet, aux réseaux sociaux. Ce contexte nous fait alors sentir concerné et nous pousse à réfléchir, à prendre du recul sur les images qu'on voit sans les voir vraiment. Que ressent-on face à elles ? Sont-elles nécessaires ? Font-elles changer les choses ?