Découverte de ce roman suite à la lecture de la critique – très – intrigante d'Aurea …
Pas familier de la littérature japonaise, c'était une bonne occasion d'en entrouvrir une porte d'accès…
L'auteur d'abord, Tsutomi Mizukami, est originaire d'un petit village de la province du Fukui située immédiatement au nord de la province de Kyoto, provinces situées sur la façade Ouest du Japon. Il est connu (en France) pour un autre roman, (peut-être) autobiographique "le temple des oies sauvages" (1961). Sinon, le genre de Mizukami semble (suivant Wikipedia) être plutôt le roman policier.
L'action du roman "Poupées de bambou" se déroule dans cette même région du Fukui à proximité d'Echizen. Il y est question d'une ville Awara située au Nord et de Kyoto au sud.
Le roman est captivant. S'il est difficile de juger un style à travers une traduction, ici, j'ai été très vite accroché par le récit qui commence par un effet de zoom (très cinématographique) de la région vers cette vallée sinistre où ne pousse que le bambou et où se trouve le village de 17 maisons pour s'achever sur celle, modeste, de l'artisan Kisaemon. Ce dernier est veuf et vit seul avec son fils Kisuke à qui il transmet tout son savoir-faire en matière d'élaboration d'objets en bambou.
Kisuke est un jeune homme profondément respectueux et passionné par son travail du bambou. Mais son physique disgracié est un constant sujet de moqueries des autres et en particulier des femmes qu'il n'ose pas regarder. Il se réfugie en quelque sorte dans son travail pour oublier ses complexes, aggravés par le besoin d'amour maternel inassouvi.
Le roman démarre à la mort de Kisaemon. Survient alors la visite de Tamae, une femme très belle, venue en plein hiver de la ville d'Awara, pour honorer la tombe de Kisaemon.
La scène de la rencontre entre Kisuke et Tamae est d'une profonde délicatesse et d'une grande beauté avec peu de mots échangés, peu de gestes sur fond des bambous recouverts de neige et du travail des objets. On ne peut que sentir que quelque chose est en train de naître entre ces deux personnages.
En vieux lecteur de romans, on croit deviner ce qui va inéluctablement arriver. On se met même à espérer. Mais le destin va s'ingénier à brouiller les pistes. Et on passe le roman à avoir la peur au ventre pour ces deux personnages ballotés, presqu'à leur insu, dans les mains du destin. On voit bien que le destin avait la possibilité de faire le bonheur. Mais, c'était trop facile, il ne le fera pas. Comme il avait le choix entre le bonheur, le malheur et l'humiliation, il se contentera du malheur. Le destin ne sera que tragique.
Ouf, le pire n'est jamais certain…
On ressent ce livre comme un double fantasme. D'un côté, Kisuke qui est adoration devant la belle Tamae dont il découvre qu'elle ressemble à sa mère, dont il ne conserve aucun souvenir mais qui est son obsession. De l'autre, Tamae qui est une femme qui travaille dans une "maison de plaisir" à Awara et qui découvre un nouveau bonheur en devenant la compagne officielle de Kisuke.
J'ai lu le roman en quelques heures seulement tellement j'étais fasciné, subjugué par le personnage tragique de Tamae et par la relation d'une très grande pureté entre Tamae et Kisuke.
J'ai bien aimé la délicatesse de l'écriture de ce roman et le profond respect que l'auteur place dans ses deux personnages Tamae et Kisuke. Même si je me découvre un tout petit goût d'amertume au fond de ma gorge, à la fin du roman.
Inutile de préciser que je ne veux pas en rester là avec cet auteur et vais essayer de trouver cet autre roman "le temple des oies sauvages".