La fondation de la morale chrétienne
Paul avait déjà prêché aux chrétiens de Corinthe, mais d'autres prédicateurs étaient venus après lui, donnant le sentiment à certains chrétiens que leur enseignement différait de celui de Paul. Paul cherche à mettre fin aux doutes et aux dissensions doctrinales qui divisent les chrétiens de Corinthe.
Pour les encourager à l'unité, il construit l'image d'un corps unique, celui de l'Eglise, celui du Christ, dont chaque chrétien serait une partie, un organe. Même si chacun reçoit des qualités différentes dans sa vie, il y a une unité, qui est celle de l'Esprit divin. Cette conception nourrira abondamment les homélies de tous les âges du christianisme, mais aussi les œuvres d'art.
La morale hostile au libre exercice de la sexualité s'enracine ici : pas de prostitution ! Le mieux est d'être célibataire afin de n'avoir que le Christ pour souci unique (c'est le fondement du célibat des prêtres !).
Cependant, Paul concède que l'on peut se marier afin de ne céder ni à la débauche ni à la prostitution. Mais le mariage est indissoluble, et il existe une formule de mariage « selon le Seigneur ». C'est le fondement doctrinal de la condamnation chrétienne du divorce, et de l'institution du mariage religieux en tant que sacrement.
En parlant des idolothytes, Paul confirme la croyance du christianisme envers l'existence de démons. La démonologie qui se développera ensuite enrichira avec fécondité la description de ce monde obscur.
Paul suggère que « mater son corps » tel un athlète du Christ répond à une nécessité. Ce type d'affirmation est à la racine de toutes les tendances ascétiques, auto-flagellatrices et répressives vis-à-vis du corps qui se sont développées ensuite.
Paul introduit également l'idée d' « imiter le Christ ». Cette vision traversera les siècles, et le succès pluriséculaire de « L'Imitation de Jésus-Christ », de Thomas a Kempis, confirme qu'il s'agit là d'un modèle de comportement proposé aux chrétiens.
On relèvera le conseil que Paul donne aux femmes d'être voilées lorsqu'elles prient ou prophétisent. Cela relativise beaucoup les débats hystériques sur le « voile islamique ». Visiblement, le christianisme n'a pas été indifférent au problème.
Des passages uniques dans le christianisme fondent ici cette religion sur la Foi en la réalité de la Résurrection de Jésus-Christ. Non seulement Paul fait toucher du doigt aux Corinthiens la liste de ceux qui ont bien vu Jésus après sa résurrection (dont Pierre, et Paul Lui-même) « dont la plupart vivent encore, mais quelques-uns sont morts », mais il faut lire ce texte pour être bien assuré que c'est le propagateur du christianisme lui-même qui a écrit ces phrases : « S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ n'a pas été relevé non plus. Et si le Christ n'a pas été relevé, vaine est notre prédication, vaine est notre Foi » (XV, 13-14), et « Si les morts ne sont pas relevés : mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (XV, 32). Et ce n'est pas vraiment un matérialiste épicurien qui a rédigé ces phrases !
Paul nie que les morts ressusciteront avec le même corps qu'avant, mais avec un nouveau corps « glorieux ».
Paul fonde également ici la primauté de la Charité parmi les vertus théologales.
En quelques pages, Paul a fondé la morale chrétienne, qui sera inlassablement enseignée et diffusée pendant plus de vingt siècles. C'est dire si ce texte a du poids.